Les Manuscrits de Victor Hugo

Chronique parue dans Le Temps du trente juin 1880 et dans claretie.fr le 26 mai 2025. Temps de lecture : un petit quart d’heure.

À l’occasion de la parution du premier volume, chez Hertzel-Quantin, des Œuvres complètes de Victor Hugo — « Édition définitive d’après les manuscrits originaux », Jules Claretie a eu accès à ces manuscrits sans que l’on sache vraiment dans quelles conditions. Dans sa « Petite chronique », Le Globe de ce même trente juin écrit, page trois : « Le chroniqueur du Temps, qui est souvent favorisé de ces bonnes fortunes, nous initie au secret des manuscrits de Victor Hugo, desquels il a obtenu communication à propos de la nouvelle édition des œuvres du maître. »

Les Manuscrits de Victor Hugo — Les Orientales — Les Odes et Ballades

Nous avons donné la préface que vient d’écrire Victor Hugo pour la nouvelle édition des Odes et Ballades1. C’est bien vraiment là le livre de jeunesse de l’auteur. Il y a, dans les Odes, des pièces que Victor Hugo a écrites à seize ans, comme Raymond d’Ascoli2, par exemple, ou des traductions de Lucain3-4 ; on les a supprimées dans l’édition actuelle et elles trouveront placé dans le tome premier de Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie5. Je voudrais, pour chacun des volumes de cette édition définitive de Victor Hugo, relever les différences qui existent entre l’édition primitive et celle-ci. Je voudrais aussi glaner, dans les manuscrits du poète, les miettes intéressantes et inutilisées. Il en est que l’auteur lui-même, ne peut donner au public, et que leur intimité plus étroite rend cependant plus précieuse.

Sur une page du livre la Vendée, dans son roman de Quatre-vingt-treize6, Victor Hugo note par exemple cette impression personnelle, tout en continuant son récit :

« Écrit aujourd’hui 19 décembre 1872, jour où je donne à mes quarante petits enfants pauvres leur fête de Christmas, vêtements, linges, laines, souliers, et leurs deux arbres de Noël chargés de jouets, l’un couvert de bonshommes et de dadas pour les garçons, l’autre de poupées pour les filles7. Il manque à ma petite fête mes deux petits à moi, mon Georges et ma Jeanne. »

N’est-ce pas touchant ?

L’aïeul est à Hauteville-House, les petits rue de Clichy8.

À l’avant-dernière page du livre In Demone Deus9, Victor Hugo, qui avait, jusqu’en ces dernières années, la saine habitude de toujours écrire debout10, met cette note à Quatre-vingt-treize.

« 10 mai. — Il me survient un incident. Une épine m’est entrée, dans le talon ; de là un mal de pied. Je suis forcé de continuer assis le livre que j’ai écrit debout. Je tâcherai de m’interrompre le moins possible, Deo volente11. »

Et au milieu du chapitre Gauvain pensif12 :

« Aujourd’hui, 19 mai, mon pied est guéri ; je me remets à écrire debout. »

Il semble, à lire ces annotations des manuscrits, que le livre s’anime, qu’on le vive, qu’on le voie naître. Le visage de l’auteur apparaît dans le volume.

C’est Michelet qui nous disait un jour : « On devrait imprimer les livres tels qu’ils ont été écrits avec les ratures, l’écriture lente où cursive, les aspects divers de la composition d’un même livre. De la sorte on se rendrait compte de l’état d’esprit de l’auteur à telle ou telle page de ses ouvrages. Un livre autographe, quel livre13 ! »

Et il continuait éloquemment la description de ce livre idéal.

« J’ai déjà parlé des manuscrits de Victor Hugo. Ils pourraient servir de-modèle à ce fameux autographe imprimé que rêvait Michelet. On y voit réellement vivre le poète au moment où, sur le premier papier venu, il écrivait des vers immortels, immortalisant le papier, même la feuille d’affiche verte bonne tout au plus à coller contre une muraille et sur laquelle il trace comme de verves cette pièce des Feuilles d’automne qui traversera les siècles.

« O mes lettres d’amour, de vertu, de jeunesse14 ! »

Papier d’emballage destiné à être maculé, déchiré, brûlé, jeté à la hotte15, que le hasard place sous la main d’un grand poète et que la Bibliothèque nationale à qui Victor Hugo doit léguer ses manuscrits conservera pieusement.

Une bonne volonté qui m’honore m’a permis d’étudier à l’aise ces précieux manuscrits où tant de variantes se retrouveraient, curieuses et intéressantes pour les lettres ; M. Paul Meurice16 les a presque toutes données dans l’édition définitive des œuvres du poète. On y voit Victor Hugo en déshabillé, et son génie n’y perd rien. Il est bien évident, à en juger par le manuscrit des Orientales17, que la plupart de ses pièces de vers ont été composées durant une promenade, et qu’en rentrant chez lui le poète a jeté sur le premier papier venu la trouvaille de sa journée.

Je me l’imagine rentrant en son logis de la rue Notre-Dame-des-Champs, qu’il habitait alors18.

— Le dîner est-il prêt ?
— Non, pas encore !
— Bon.

Et, tandis qu’on met la nappe19 — entre le couvert et la soupe, si je puis dire, — il écrit ces admirables pièces : la Fille d’Europe, qui change de titre et devient la Captive, Mesharra, qui devient Lazzara.

Il écrit sur tout, sur les billets amis, sur les chiffons de papier, sur les lettres de faire part, et on reconstituerait toute une époque littéraire et artistique avec les revers des poésies de Victor Hugo.

Les Quatre Frères20, par exemple, où le poète modifie ainsi un de ses hémistiches :

       Un homme alors passait, un homme en turban vert,

par un homme en caftan vert, qui devient tout de suite plus coloré, plus pittoresque. Les Quatre Frères sont écrits sur une lettre de Sainte-Beuve adressée à Monsieur V. Hugo, rue Notre-Dame-des-Champs, 11, sans timbre de la poste, c’est-à-dire portée par le rimeur de Consolations21 au poète des Orientales :

Ce jeudi,

        Mon cher Victor,

Hier en rentrant à la maison, j’ai trouvé à ma porte une lettre du médecin de Galloix22 qui me disait (sic) que la translation à la maison de santé de M. Dubois était indispensable23. En conséquence j’ai envoyé ce matin réclamer de M. Jouffroy24 la somme qu’il avait à sa disposition : c’était tout juste, pour la quinzaine. J’ai donc été enlever Galloix et l’ai emmené à la maison de santé où il est avec de quoi vivre et se sustenter pour quinze jours. Il paraît bien décidé à partir pour Genève dès qu’il le pourra. Si votre demande à M. de Martignac25 pouvait se faire maintenant, ce serait le cas ou jamais, et cela lui servirait de viatique. Après quoi, ayant fait tout ce qui dépendait de nous, nous n’aurons plus rien à faire qu’à prier pour lui.

        Tout à vous.

Sainte-Beuve.

La fin de cette pièce des Quatre Frères est écrite sur une autre lettre, signée de Th. Foisset26, rue Jacob, qui offre à Victor Hugo son amitié littéraire. N’est-ce pas curieux, cette terminaison de lettre de Sainte-Beuve priant pour le pauvre diable de poète famélique Ymbert Galloix, que Victor Hugo nous a montré faisant chauffer au foyer, de l’auteur des Odes et Ballades ses semelles de souliers effeuillées et fumantes27 ?

Encore une fois, toute la jeunesse de Victor Hugo revit dans ses manuscrits, et je ne connais pas de plus piquant chapitre littéraire à écrire. Les Odes et Ballades ne contiennent que des corrections, des améliorations de style. Mais ses Orientales ! C’est un volume de Mémoires. L’Enfant28, l’enfant grec est écrit sur une lettre où l’on accepte un dîner, chez Victor Hugo, « rien qu’entre, nous et sous la foi du pot au feu ». Y a-t-il antithèse plus étonnante que cette poésie unie à ce potage ?

La Bataille perdue29 :

        Allah ! qui me rendra ma formidable armée !

Est commencée sur une invitation à dîner datée du 6 mai 1828 : « Nous nous mettrons à table à 5 heures » ; achevée sur une lettre ainsi conçue ;

        Monsieur,

Vous êtes prévenu que la Société de…… se réunira le premier mercredi de mai, 7 de ce mois, à 5 heures ½, dans le lieu de ses séances, chez Prévost père, barrière Montparnasse30, près le théâtre, pour se livrer à ses travaux ordinaires.

        J’ai l’honneur de vous saluer,

P. Rabelin.

        Le 6 mai 1828.

« Victor Hugo seul pourrait nous dire aujourd’hui ce qu’était cette Société dont il faisait partie il y a soixante ans, et dont Robelin — ou Rabelin — ne donnait pas même le nom.

Il y a des revers ou des envers de poésies plus intéressants encore, bons à recueillir comme documents. Parfois, Victor Hugo dessine en marge quelque bonhomme, un raffiné du temps de Louis XIII, plume au feutre, épée au côté. Il songe évidemment déjà à Marion Delorme31.

Sultan Achmet32 est écrit sur la lettre de faire part que voici :

        M

Vous êtes, prié d’assister au service du bout de l’an qui sera célébré pour Mme Anne-Victoire Foucher, née Asseline, en l’église Saint-Sulpice, le lundi 6 octobre 1828, à dix heures précises du matin.

De la part de M. Foucher, M. et Mme Victor Foucher, M. Paul Foucher, Mlle Julie Foucher, M. le baron et Mme la baronne Victor Hugo, M. et Mme Asseline, ses mari, fils, filles, bru, gendre, frère et belle-sœur.

        Paris, le 3 octobre 1828.

Les Bleuets s’appelaient Chansonnette et sont tracés sur nette autre lettre :

        M

M. le marqûis Duvidal de Montferrier, conseiller-maître honoraire, à la cour des comptes, et Mme la marquise Duvidal de Montferrier, ont l’honneur de vous faire part du mariage de Mlle Julie Duvidal de Montferrier, avec M. le vicomte À. Hugo.

        Paris, décembre 1827.

Enfin je trouve une poésie, le Ravin, tracée sur la lettre de faire-part de la mort du général Hugo, document tout à fait précieux aujourd’hui pour reconstituer la famille même du poète :

        M

Madame la comtesse Hugo ; Monsieur le comte et Madame la comtesse Abel Hugo ; Monsieur le vicomte Eugène Hugo ; Monsieur le baron et Madame la baronne Victor Hugo ; Madame veuve Martin ; Monsieur le Colonel chevalier Louis Hugo ; Monsieur le major Francis Hugo ; Mesdames Louis et Francis Hugo ; Monsieur et Madame Adolphe Trébuchet,

Ont l’honneur de vous faire part de la perte douloureuse qu’ils viennent de faire33 en la personne de Monsieur le comte Joseph-Léopold-Sigisbert Hugo, lieutenant-général des armées du roi, chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, officier de l’ordre royal de la Légion d’honneur, commandeur et dignitaire de plusieurs ordres étrangers, un des administrateurs de la Société d’assurances mutuelles sur garanties, membre du comité de l’Association paternelle des chevaliers de Saint-Louis, leur mari, père, beau-père, frère, beau-frère et oncle, décédé à Paris, le 29 janvier 1828.

Au point, de vue purement littéraire, combien de modifications précieuses, de repentirs, de corrections, qui montrent Victor Hugo, dont le génie est pourtant fait de spontanéité, cherchant le mieux, le trouvant, ne se contentant pas du premier jet, quelque superbe qu’il soit.

Dans Canaris34-35, par exemple :

Que le vaisseau, couvert d’ancres, d’armes, de bruit,
        Tourne comme une roue,

devient :

Que le vaisseau couvert de fumée et de bruit
        Tourne ainsi qu’une roue…

Et soudain le vers fait image.

Espagne fait briller sur son drapeau changeant
        Dont l’or n’est point avare…

devient :

Espagne peint aux plis du drapeau voltigeant
        Sur ses flottes avares…

Stamboul, la turque autour du croissant abhorré
        Suspend trois longues queues,

devient :

Stamboul, etc.
        Suspend trois blanches queues !

Toujours aux vaisseaux pris les rois arboreront
        Leur drapeau de victoire.

devient, après le mot attacheront écrit et effacé :

Aux navires captifs, toujours ils appendront
        Leur drapeau de victoire.

Comme ils peignent ces mots nouveaux !

Les Têtes du Sérail, pièce publiée dans le feuilleton du Journal des Débats36, porte beaucoup de corrections. Primitivement, on imprime :

Livides, l’œil éteint, par la foule outragées,
Ces têtes couronnaient, sur les créneaux rangées

Victor Hugo corrige :

       Livides, l’œil éteint, de noirs cheveux chargées,

Plus loin ;

       On entra dans l’église où pour tous je veillais

Devient :

       Mon église s’ouvrit à leurs pas inquiets.

       Du reste des humains son sérail le sépare.

devient :

       Des hommes et de Dieu son sérail le sépare.

On a étudié ainsi, de très près, les manuscrits de Bossuet. Victor Hugo nous donne aussi dans un mot, dans un trait, dans un adjectif, de merveilleuses leçons de style ! Ces corrections sont le coup de pouce de l’artiste génial.

Les variantes des manuscrits des Odes et Ballades consistent, comme le dit M. Paul Meurice, dans des vers refaits, dans ces « strophes remaniées ou remplacées » dont parle la préface de 1828(37). On n’a pas jugé qu’il fût intéressant de reproduire, d’après les premières, éditions, (en trois volumes in-12), ces vers de l’adolescent condamnés et corrigés par le jeune homme.

J’analyserai une autre fois les manuscrits non moins précieux que les Orientales, et non moins curieux des Feuilles d’Automne, que Victor Hugo écrit manuscripts, comme il conviendrait.

Notes

1       Rubrique « Nouvelles du jour », page deux du Temps du 19 juin 1880 : « Tout homme qui écrit un livre : ce livre, c’est lui. » Il s’agit de la préface, datée du 28 février 1880, du premier tome des Œuvres complètes de Victor Hugo parues chez Hetzel-Quantin le 19 juin 1880. L’édition « définitive, d’après les manuscrits originaux » se poursuivra sur 48 volumes jusqu’en 1885, année de la mort de Victor Hugo le 22 mai, cette concordance de dates relevant évidemment du hasard.

2       Raymond d’Ascoli était un jeune poète de dix-huit ans, disciple de Pétrarque (1304-1374). Non sans une ferme autorité, son père l’avait destiné à la prêtrise. Malheureusement, le jeune Raymond a rencontré la belle Giovanna Stravaggi, ce qui a fortement réduit l’enthousiasme religieux du jeune homme. Découvrant la bluette, le père de Raymond l’a violemment chassé. Extrêmement contrarié et ne pouvant supporter, comme on dit de nos jours, ces injonction contradictoires, Raymond est allé se suicider à l’endroit où il avait coutume de rencontrer sa belle. On dirait L’Exorcisée de Marie Dormoy.

3       De Lucain (39-65), il subsiste surtout La Pharsale, épopée guerrière insuffisamment laudatrice de Néron, qui du coup a obligé Lucain à se suicider, peut-être par la cigüe, comme Socrate quatre cent ans plus tôt.

4       Parmi ces traductions (la seule ?) on peut penser à la XVIIIe Feuille d’automne : « Sed satis est jam posse mori » (Mais il suffit de pouvoir mourir) : « Où donc est le bonheur ? disais-je. Infortuné ! / Le bonheur, ô mon Dieu, vous me l’avez donné. » page 754 de l’édition de Pierre Albouy pour La Pléiade en 1964.

5       Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie, Librairie internationale 1863. Il semble bien que le témoin en question soit Adèle et son père. L’ouvrage a été repris dans les Œuvres complètes par Hertzel et Quantin. Cet ouvrage fait référence, page 277 à César passe le Rubicon, que l’on retrouve dans les Trois cahiers de vers français (Pléiade op.cit., page 98.

6       Quatrevingt-treize (avec un seul tiret pour ce titre), dans l’édition Hetzel-Quantin de 1880 correspond au quatorzième tome des Romans. Il est le dernier roman de Victor Hugo, inachevé. Selon l’habitude hugolienne se roman est divisé en parties (ici trois), chacune de ces parties étant à son tour divisée en Livres, et les Livres en chapitres. En Vendée (et non La Vendée) est le titre de la troisième partie.

7       Bonjour Sandrine Rousseau !

8       Victor Hugo s’est installé au 21 rue de Clichy en 1874 alors qu’il était revenu d’exil en septembre 1870, à peine la IIIe République proclamée. L’immeuble, qui fait un angle, existe toujours. Les fenêtres de l’appartement donnaient sur la rue de Tivoli, qui deviendra rue d’Athènes l’an prochain, au début de l’été 1881. Nous sommes loin de la place des Vosges. Face à l’entrée de l’immeuble subsistaient encore des restes du parc d’attraction Tivoli, ayant échappé à l’agrandissement de l’église de la Trinité achevé en 1867. Cette année 1880 le parc d’attractions fait place, sur la partie ouest du terrain, au Palace Théâtre et sur l’est au Nouveau théâtre qui deviendront respectivement le Casino de Paris et le théâtre de Paris de la rue Blanche.

9       In dæmone Deus (Dans le Dieu démon) est le titre du Livre cinquième de la deuxième partie. Ce livre comprend seulement trois chapitres : « Trouvés, mais perdus », « De la porte de pierre à la porte de fer » et « Où l’on voit se réveiller les enfants qu’on a vus se rendormir »

10     D’après la photo du bureau de Jules Claretie par Dornac, Jules Claretie ne semble pas profiter de cette « saine habitude »

11     Si Dieu le veut.

12     « Gauvain pensif » est le titre du deuxième paragraphe du Livre sixième. Nous ne connaîtrons pas le prénom de ce Gauvain, vicomte et commandant de quelque chose.

13     Dans un ouvrage à paraître l’an prochain, Alfred Barbou (1846-1907), Victor Hugo et son temps, Charpentier 1881, reprendra l’anecdote au début du chapitre XXXIX, page 441. La suite du texte est très instructive concernant les habitudes d’écriture de Victor Hugo.

14     Feuilles d’automne XIV : « Ô mes lettres d’amour, de vertu, de jeunesse, / C’est donc vous ! Je m’enivre encore à votre ivresse ; / Je vous lis à genoux. / Souffrez que pour un jour je reprenne votre âge ! / Laissez-moi me cacher, moi, l’heureux et le sage, / Pour pleurer avec vous ! » Pléiade op. cit., page 748

15     Près des cheminées ou des poêles, se trouvait une hotte pour les bûches, dans laquelle chacun jetait tout ce qui pouvait bruler.

16     Paul Meurice (1818-1905), auteur dramatique et romancier. On lira avec le plus grand intérêt la Correspondance entre Victor Hugo et Paul Meurice parue chez Charpentier-Fasquelle en 1909 (486 pages), agrémentée de 19 pages de préface de Jules Claretie. Paul Meurice adaptera Quatrevingt-treize pour la scène sur le théâtre de la Gaîté à Noël 1881. Avec Charles Hugo il adaptera Les Misérables pour le théâtre de la Porte-Saint-Martin à la fin de l’année 1891, et d’autres textes encore. Il a aussi été l’un des nombreux nègres d’Alexandre Dumas.

17     Les Orientales, recueil de poèmes de jeunesse publié en 1829.

18     Victor et Adèle Hugo ont habité au numéro onze de cette rue, à l’ouest du jardin du Luxembourg, d’avril 1927 à avril 1930, dans une maison qui se trouvait dans la cour de l’immeuble.

Paul Madeline (1863-1920), Maison de Victor Hugo, rue Notre-Dame-des-Champs en 1905. Cette peinture est la propriété de la Maison de Victor Hugo à Hauteville House. Le cartel du musée précise : « Deux portes donnaient, l’une sur la rue, l’autre sur l’impasse Duguay-Trouin. Victor Hugo occupait l’appartement du premier étage qui comprenait une salle à manger, un salon, un cabinet de travail et deux chambres. » Le percement du boulevard Raspail, qui s’est étalé sur une quarantaine d’années, a entrainé un réaménagement complet de tout le très grand espace. Selon ce cartel et cette peinture on peut imaginer que la maison se trouvait à l’angle de la rue Dugay-Trouin et de la rue de Fleurus.

19     On peut imaginer que c’est aussi l’histoire du ménage Claretie qui est décrite ici.

20     Ce poème paraîtra sous le titre « Le Voile ». Le voile en question est musulman et résonne singulièrement de nos jours. Il s’agit d’un poème dialogué entre trois frères et leur sœur : « LE FRÈRE AÎNÉ / N’avez-vous pas levé votre voile aujourd’hui ? / LA SŒUR / Je revenais du bain, mes frères, / Seigneurs, du bain je revenais, / Cachée aux regards téméraires / Des Giaours et des Albanais. / En passant près de la mosquée / Dans mon palanquin recouvert, / L’air de midi m’a suffoquée. / Mon voile un instant s’est ouvert. » Le manuscrit est daté du premier septembre 1812. Les Orientales XVIII, Pléiade op. cit. pages 623-625.

21     Charles Augustin Sainte-Beuve (1804-1869), Les ConsolationsPensées d’aoûtNotes et sonnetsUn dernier rêve, Michel Lévy 1863, offert à Victor Hugo : « Mon Ami, ce petit livre est à vous ; votre nom s’y trouve à presque toutes les pages ; votre présence ou votre souvenir s’y mêle à toutes mes pensées. Je vous le donne, ou plutôt je vous le rends ; il ne se serait pas fait sans vous. »

22     Ymbert Galloix, jeune poète suisse arrivé à Paris en octobre 1827 et mort de tuberculose en octobre 1828.

23     Cette maison religieuse de santé trouve son origine au XVIe siècle. Au début du XIXe siècle, le docteur Dubois crée un service de chirurgie dans ce qui est devenu une « maison municipale de santé », payante. La « Maison Dubois » est actuellement l’hôpital Fernand-Widal, 200 rue du Faubourg-Saint-Denis.

24     Peut-être Théodore Jouffroy (1796-1842), à 45 ans, philosophe. Théodore Jouffroy a aussi été député (majorité conservatrice) du Doubs de 1831 à 1842.

25     Peut-être Jean-Baptiste Gaye, vicomte de Martignac (1778-1832), avocat royaliste acharné, catholique affirmé, esprit vif et brillant orateur. Natif de Bordeaux, Jean-Baptiste Gaye, après avoir été dans sa jeunesse poète et vaudevilliste, a été députe du Lot-et-Garonne de 1821 à 1932 et chef du Gouvernement de janvier 1828 à août 1829. Une rue porte son nom à Paris, bien connue des Léautaldiens.

26     Théophile Foisset (1800-1873), écrivain catholique.

27     « C’était en octobre 1827, un matin qu’il faisait déjà froid, je déjeunais ; la porte s’ouvre, un jeune homme entre. Un grand jeune homme un peu courbé, l’œil brillant, des cheveux noirs, les pommettes rouges, une redingote blanche assez neuve, un vieux chapeau. Je me lève et je le fais asseoir. Il balbutie une phrase embarrassée d’où je ne vis saillir distinctement que trois mots : Ymbert Galloix, Genève, Paris. Je compris que c’était son nom, le lieu où il avait été enfant, et le lieu où il voulait être homme. Il me parla poésie. Il avait un rouleau de papiers sous le bras. Je l’accueillis bien ; je remarquai seulement qu’il cachait ses pieds sous sa chaise avec un air gauche et presque honteux. Il toussait un peu. Le lendemain, il pleuvait à verse, le jeune homme revint. Il resta trois heures. Il était d’une belle humeur et tout rayonnant. Il me parla des poëtes anglais, sur lesquels je suis peu lettré, Shakespeare et Byron exceptés. Il toussait beaucoup. Il cachait toujours ses pieds sous sa chaise. Au bout de trois heures, je m’aperçus qu’il avait des souliers percés et qui prenaient l’eau. Je n’osai lui en rien dire. Il s’en alla sans m’avoir parlé d’autre chose que des poëtes anglais… » Victor Hugo, Littérature et philosophie mêlées, Albin Michel 1934.

28     Les Orientales XVIII, Pléiade op.cit. page 637.

29     Les Orientales XVI, Pléiade op.cit. page 633.

30     « Les habitués de cette barrière […] venaient à Montparnasse comme ils allaient à Belleville, pour engloutir leurs économies de la semaine dans les tire-lires des cabaretiers de la rue de la Gaieté, qui fait suite à la rue du Mont-Parnasse. » Alfred Delvau, Histoire anecdotique des barrières de Paris, Dentu 1865, page 262.

31     Victor Hugo, Marion de Lorme (en deux mots), drame en cinq actes, en vers, créé au cours de l’été 1831 au théâtre de la Porte-Saint-Martin. Ce drame est inspiré par la courtisane Marion Delorme (1613-1650).

32     « À Juana la grenadine, / Qui toujours chante et badine, / Sultan Achmet dit un jour : — Je donnerais sans retour / Mon royaume pour Médine, / Médine pour ton amour. » « Sultan Achmet », Les Orientales XXIX, Pléiade op.cit. page 656. Comme quoi il arrivait à Victor Hugo d’écrire des vers de mirliton.

33     « la perte douloureuse qu’ils viennent de faire »… singulière formulation.

34     Canaris, deuxième poème des Orientales, évoque évidemment Constantin Canaris (1793-1877) qui a servi dans la marine grecque comme brûlotier, activité fort dangereuse. Le brûlotier dirigeait une grosse chaloupe — un brûlot — au contact des navires ennemis. Une fois parvenu au contact il mettait le feu à la chaloupe, éventuellement chargée de poudre. Le but était de ne pas se faire tuer en arrivant près du navire ennemi et de ne pas brûler en même temps que la chaloupe. L’opération avait donc lieu de nuit. Cette activité intrépide et pour tout dire désespérée était utilisée depuis l’antiquité. Constantin Canaris était donc brûlotier pendant La guerre d’indépendance grecque (1821-1829) sous le joug de l’empire ottoman. Suite à ces exploits il a été nommé amiral et a été Premier ministre de la Grèce à plusieurs reprises.

35     Victor Hugo a composé deux poèmes en hommage à Constantin Canaris. Le second est dans Les chants du crépuscule en 1836 et c’est le premier qui nous intéresse ici, le deuxième des Orientales : « Lorsqu’un vaisseau vaincu dérive en pleine mer ; / Que ses voiles carrées / Pendent le long des mâts, par les boulets de fer / Largement déchirées ; »

36     Oui et non. Oui Les Têtes du Sérail (qui suit Canaris dans Les Orientales) est bien paru dans le Journal des débats (du mardi treize juin 1826) sous le titre « Feuilleton du Journal des débats ».

Mais non, ce n’était pas un feuilleton dans le mesure où il n’a duré que le temps d’un seul numéro. Sur les quatre bas de page de ce numéro sont données les six parties de ce poème (sept pages de Pléiade) sans aucune interruption. Seul un jeune auteur a pu accepter cela.

37     Préface des Odes et Ballades de 1828 (Pléiade op. cit. page 285) :