Deux actrices anglaises — Un document inédit sur Molière

Chronique parue dans Le Temps du 18 aout 1880 mise en ligne le 24 novembre 2025. Temps de lecture : 22 minutes. Cette page a été couplée avec une petite chronique parue dans Le Temps du 31 août « Un document inédit sur Molière ».

Miss NeilssonMaud BranscombeUn document inédit sur Molière

Miss Neilsson

Miss Neilsson, qui vient de mourir subitement à Paris1 et que quelques journaux ont donnée comme une actrice américaine, était une actrice anglaise fort jolie, et qui dut surtout ses succès à sa blonde chevelure et à son charme2. On l’adorait à Londres. Elle faisait courir le public à Adelphi, où elle jouait Amy Robsart3, un mélodrame assez vulgaire où deux choses attiraient surtout la foule : un truc extraordinaire, un de ces chefs-d’œuvre de mécanisme que les Anglais inventent fréquemment et, avec ce truc, les cheveux blonds, les yeux bleus, le joli sourire et la peau blanche de miss Neilsson.

Je vois encore4, dans sa robe blanche, au dénouement, cette jolie jeune femme, élégante, séduisante, qui devait si tristement mourir, chez nous, dans le tohu-bohu d’un hôtel garni, comme cette autre folle fille qui s’appelait Blanche d’Antigny5 et qui expira au Grand-Hôtel, en revenant du Caire, devant sa malle à peine défaite. Miss Neilsson, dans Amy Robsart, portait, à la scène dernière — celle qui faisait courir tout Londres, — une robe blanche d’où son col et ses bras, d’une rare pureté de lignes, sortaient avec des ondulations exquises. Lorsque le traître voulait précipiter dans la fosse d’un château-fort cette créature idéalement jolie, c’était, dans toute la salle, un cri d’horreur. Mais, comme dans tout bon mélodrame classique, le traître se trouvait puni au moment où il croyait triompher. Un brave homme de geôlier, un geôlier supposé poussait rapidement un ressort et soudain, le pont-levis sur lequel passait le traître s’effondrait, et, du haut des frises, tombant dans le troisième dessous, on apercevait le meurtrier précipité dans les fossés en poussant des cris d’horreur.

C’était le truc. J’en ai vu fort peu d’aussi complètement étonnants. Ce corps tournoyant dans l’espace les cris jetés par le clown qui, pour exécuter ce saut périlleux, se substituait au comédien, tout était extraordinairement bien réglé ! Il n’y a que cela dans Amy Robsart, me disait, ce très érudit Tom Taylor6 avec qui j’assistais à la représentation, mais réellement cela vaut la peine d’être vu !

— Vous vous trompez, répondis-je, il y a mieux que cela il y a miss Neilsson.

— Oui, en effet, c’est vrai ! C’est une jolie femme. C’était un compliment et ce pouvait être une critique. C’était même une critique complète. On ne pouvait pas dire que miss Neilsson eût du talent, mais elle avait plus et moins que du talent elle avait le charme. Elle plaisait. Elle avait sur le public cette toute-puissance indéfinissable qui fait qu’un sourire captive une salle.

Miss Neilsson ressemblait quelque peu à Mme Théo7. Expliquez donc le succès de Mme Théo à quelqu’un qui n’est point du tout Paris ! L’hiver dernier, pendant une des Matinées que M. Clèves8 donnait à la Porte-Saint-Martin, il advint que des spectateurs arrivés de province pour voir Mme Théo dans Cendrillon firent au contrôle, un beau tapage en réclamant leur argent. On leur avait promis Mme Théo. Le nom de Mme Théo était sur l’affiche. Ils voulaient Mme Théo.

— Ce n’est pas, disaient-ils, une raison parce que la représentation a lieu pendant le jour qu’il ne faille pas nous donner ce qu’on donne aux spectateurs du soir !

— Mais, messieurs…

— Allez chercher le directeur ! Où est le directeur ?

On alla prévenir M. Clèves.

Paul Clèves arrive au contrôle :

— Eh ! bien, qu’y a-t-il ?

— Ce qu’il y a ? Nous voulons Mme Théo !

— Comment, Mme Théo ! Mais vous l’avez, Mme Théo… Mais c’est Mme Théo qui joue.

— Mme Théo ?… C’est Mme Théo ?… Mais elle ne chante pas. Mais qu’est-ce que les journaux nous avaient donc dit ?

Ils ne pouvaient pas en revenir et ils n’y revinrent sans doute point.

La vérité est que Mme Théo a un charme à elle, qu’elle plait, qu’elle amuse et qu’on se décide à ne pas l’entendre pour avoir le plaisir de la regarder. C’est un joli petit saxe d’étagère. Miss Neilsson avait précisément ce défaut et cette qualité-là. Elle séduisait. Lorsqu’on annonçait Amy Robsart avec elle, on était certain de remplir une salle de théâtre pendant une série de représentations. Après avoir joué Amy Robsart à Londres, elle allait le jouer dans les provinces, en Écosse ou en Irlande, puis en Amérique, et elle rapportait des sommes considérables de ses tournées. Elle était si jolie ! On la traitait en enfant gâtée.

Elle jouait aussi le répertoire on l’a applaudie dans l’École de la médisance9 de Sheridan. Elle eût pu jouer tout ce qu’elle eût voulu. Les cheveux d’or fin, couleur de blé mûr sur son visage d’enfant mutine, le nez petit, la bouche spirituelle, les yeux doux, étonnés, caressants et inquiétants de l’Anglaise enlevaient tous les suffrages. Elle avait vingt-quatre ou vingt-cinq ans. Sa première jeunesse, très pauvre, aurait pu lui laisser peut-être des souvenirs amers. Non ! Elle souriait. II allait si bien à ses lèvres, ce joli sourire !

Après les années d’épreuves, et pis que cela, de hasards misérables, l’enfant des rues de Londres était devenue la comédienne adulée dont les photographies se rencontraient partout en Angleterre et en Amérique, entre le portrait de Maud Branscombe10, la plus jolie fille de ce temps, et celui de Mlle Sarah Bernhardt. Un imprésario venait d’offrir à miss Neilsson une somme considérable pour la saison prochaine, en Amérique, et, comme tous les ans, miss Neilsson, qui aimait Paris, venait, comme Charles Dickens, prendre l’air du boulevard. Mais le plus tragique et le plus ironique c’est ceci : Mlle Thénard11, de la Comédie-Française, devait présenter à M. Busnach12, l’auteur du futur drame de Nana13, une actrice anglaise, blonde, gaie, parlant fort bien le français, et qui obtiendrait, disait-elle, un grand succès à l’Ambigu dans ce rôle qui trouve difficilement à être distribué, les auteurs ayant songé tour à tour à Mme Judic14 et à Mlle Céline Montaland15.

Or, cette Anglaise, qui parlait le français comme sa langue maternelle, c’était la jolie Mlle Neilsson, et Mlle Neilsson, l’Amy Robsart de Walter Scott, qui pensait à créer Nana, meurt précisément un peu comme elle16.

C’est au sortir d’un de nos restaurants que la pauvre femme est emportée et tombe. La plupart de ces actrices anglaises ont des destinées tragiques. Le roman tient une grande place dans leur existence. L’une d’elles, dont Tom Taylor me contait l’histoire, et qui créa plusieurs rôles dans des drames, se laisse séduire par un comédien et, après avoir été longtemps une fort honnête femme, honteuse de sa chute, part pour l’Amérique et y fait des conférences sur le sort des femmes et l’indignité des hommes. « Soyez honnêtes ne vous laissez pas séduire ! » Et, tout en prêchant, elle se gorge de brandy et d’old Irish whiskey, et meurt à vingt-sept ou vingt-huit ans, alcoolique.

Une autre, la plus célèbre des actrices actuelles, miss Ellen Terry17, qui donne, au Lyceum, la réplique à Henry Irving18, le comédien fameux, épouse en premières noces un peintre d’un rare talent, un des chefs de l’école préraphaélite, admirable portraitiste dont on a vu des œuvres qui ont fait sensation à l’Exposition universelle, Watts19, et divorce. Elle prend alors pour mari un officier de l’armée des Indes, M. Terry20, qui, pour la suivre, donne sa démission et se fait acteur. Il devint même acteur de talent. Un jour, Ellen Terry a l’idée d’avoir son portrait. À qui le demander sinon à l’admirable artiste qu’on remarque même après Millais21 ? Et, sans plus de façon, le second mari mène sa femme chez le premier mari en lui commandant un portrait de la comédienne.

Nous assisterons aussi en France à des incidents analogues lorsque sera votée la loi sur le divorce.

Il y eut d’ailleurs, l’an passé, dans le Blackwood’s Magazine22, un article violemment malveillant sur miss Ellen Terry et sur Mlle Sarah Bernhardt. L’article là-bas fit scandale. Il ne tomba point sous les yeux des journalistes français, et ce fut tant mieux, car la traduction d’une telle diatribe eût été déplorable.

Maud Branscombe

Il fallait entendre M. Tom Taylor conter toutes ces histoires ! Le critique anglais avait pour M. et Mme Terry une estime particulière. Dans son somptueux cottage des environs de Londres, il s’était composé tout un musée spécial des photographies de cette jolie fille aux traits d’une finesse exquise qu’on rencontre partout à tous les étalages des papetiers, à Londres, à Paris, à Berlin, à New-York, sous tous les costumes, tantôt en sœur de charité, les yeux levés au ciel dans une ferveur extatique, tantôt en odalisque, une parure de sequins collée au front, tantôt en femme du monde, tantôt en Ophélie, tantôt en Madeleine, ses longs cheveux dépeignés et flottants et toujours et partout ce nom Maud Branscombe. Il s’est vendu des cent mille portraits de Maud Branscombe. Il s’en expédie par grosses, par ballots, par barils. La tête est jolie, régulière, un vrai visage de keapsake23, Le portrait de Maud Branscombe, que tout le monde connaît sans savoir qui est cette Maud, sert même de réclame aux coiffeurs, et les marchands de cheveux accrochent comme enseigne, devant leur boutique, la photographie de la belle fille aux cheveux tombants le long de sa figure virginale sur ses épaules délicates.

Et savez-vous qui est cette Maud Branscombe dont tout le monde se dispute le portrait et qui eût servi de modèle à une madone de Raphaël ? nous disait encore Tom Taylor. C’est tout simplement une choriste obscure, une figurante, une comparse de petit théâtre qui loue sa figure aux photographes et touche tant pour cent sur la vente de ses portraits-cartes !

Elle est capable d’avoir à cela amassé une fortune. Et elle aussi a son roman ! Maud Branscombe est la fille d’un clergyman. Fiancée à un jeune homme des environs de la cure paternelle, au moment où elle va se marier, elle disparaît brusquement. Elle s’enfuit. On ne sait pas ce qu’elle devient. On la croit morte. Désespéré, son fiancé part pour l’Australie. Il y fait fortune pour se consoler. Un jour, il rencontre là quelqu’un qui lui assure avoir vu Maud jouer la comédie quelque part en Amérique, jouer ou figurer, à New York et à Philadelphie.

Le jeune homme n’hésite pas. Il quitte l’Australie et part pour l’Amérique. Mais Maud Branscombe a disparu. Elle a rencontré un homme qui l’a épousée et, tout à coup, l’a quittée en lui laissant un enfant qu’elle a envoyé, s’il m’en souvient bien, à la cure paternelle sans donne son adresse personnelle.

Vainement le fiancé cherche à la retrouver. Il fait dire à Maud, par une actrice qui la connaît qu’il pardonne, qu’il oublie, qu’il aime et ne demande qu’à épouser. Maud ne reparait pas.

Le fiancé fait passer, comme on dit, dans les journaux des notes où il assure la fugitive de la constance de son amour pour elle. Maud ne donne pas signe d’existence.

Le portrait de Maud Branscombe est partout et Maud Branscombe n’est nulle part.

Le fiancé peut entrer chez le premier photographe venu et demander la carte-album de sa fiancée. Mais, sur la jeune femme elle-même, tous les photographes sont muets. Ils savent à quelle date exacte ils ont photographié cette Maud Branscambe, qui remplit l’univers entier de ses nouvelles poses. Mais ils ignorent ce qu’elle est devenue depuis qu’elle a posé.

Et cette course à la fiancée, cette chasse semi-dramatique et semi-comique continue depuis de longs mois. Il n’y a que ces Anglaises, à l’air séraphique, pour avoir cette volonté et cette suite d’idées dans les combinaisons. Qui disait donc que le roman d’aventures était mort ? Le roman d’aventures, le voilà !

Le voilà aussi dans la mort brutale de cette miss Neilsson, si attirante et si charmante, que je revois, blonde, gaie, jeune, blanche et rose, dans sa robe blanche, souriant gentiment aux bouquets qu’on lui jetait, là-bas, à Adelphi, et inclinant sa mutinerie et sa grâce sous les bravos, et qui est couchée maintenant dans une bière au fond d’une chambre luxueusement banale d’hôtel garni.

Vie de hasard ! Mort de hasard ! Albert Glatigny24, le poète ballotté par toutes les tristesses du cabotinage et déchiré par toutes les ronces du chemin, avait commencé une suite au Roman comique de Scarron25. Il l’appelait le Roman tragique26.

Notes Anglaises

Les notes du texte Molière sont en fin de page

1       Le Temps du 17 août 1880, page trois ; « L’artiste dont nous avons annoncé la mort dans un restaurant du bois de Boulogne se nomme miss Neilsson. Elle jouissait en Angleterre d’une grande réputation de tragédienne ; quelques-uns de ses compatriotes l’ont surnommée “La Sarah Bernhardt anglaise”. Samedi dernier, à deux heures de l’après-midi, elle quitta l’hôtel Continental où elle était descendue le mercredi précédent, pour se rendre en voiture au bois de Boulogne. Elle faisait le tour du lac lorsqu’elle se sentit indisposée. Deux messieurs, qui l’accompagnaient, la conduisirent au restaurant Noël, où elle expira vers trois heures du matin. » De nombreux articles paraîtront ensuite, détaillant les bénéficiaires de l’important héritage laissé par miss Neilsson.

2       En clair, sous la plume de Jules Claretie, pas à son talent.

3       Victor Hugo (que Jules Claretie n’ose pas citer), Amy Robsart, drame en cinq actes et en prose crée au cours de l’hiver 1828 au théâtre de l’Odéon sous le nom de Paul Fouché, beau-frère de Victor Hugo. La pièce est tirée de Kenilworth, roman de Walter Scott de 1821, paru lui aussi anonymement. L’action, se déroule en Angleterre, autour de la réelle Amy Robsart (1532-1560). Au cours de cette chronique, Jules Claretie ne citera pas le nom de Victor Hugo et ira jusqu’à écrire : « l’Amy Robsart de Walter Scott ».

4       Peut-être à l’occasion du voyage de la Comédie-Française à Londres en juin 1879.

5       Blanche d’Antigny (1840-1874, à 34 ans), comédienne médiocre et courtisane, modèle de la Nana d’Émile Zola et aussi pour La Dame aux bijoux de Gustave Courbet.

6       Tom Taylor (1817-1880) auteur et critique dramatique, est mort le douze juillet dernier. Il était aussi rédacteur du célèbre (outre-Manche) magazine Punch, paru de 1841 à 2002.

7       Louise Théo (Anne-Louise Picolo, 1850-1922), artiste lyrique. À voir l’image ci-dessous (les photos sont pires), on peine à comprendre l’enthousiasme du public.

Madame Théo, par Gill. En vignette, par Luce

8       Paul Clèves est l’actuel directeur du théâtre de la Porte-Saint-Martin.

9       Richard Sheridan (1751-1816), L’École de la médisance (The School for Scandal), comédie en cinq actes, a été créé à Londres en mai 1777, plusieurs fois éditée en français.

10     Maud Branscombe (1854-1890, à 36 ans) comédienne catastrophique, pitoyable diseuse, danseuse bancale, n’a dû son succès qu’à sa photogénie. L’âge venant, elle a fini comme dactylo.

Maud Branscombe

11     Madame Thénard (Marie-Magdeleine Chevalier-Perrin, 1757-1849), surnommée La Grande, fut à l’origine d’une véritable dynastie de comédiens et de chanteurs, fils, filles, brus… et leurs descendants. Entrée à la Comédie-Française à vingt ans, sociétaire en 1781, retraitée en 1819.

12     William Busnach (1832-1907), auteur dramatique populaire et prolifique, librettiste et romancier. William Busnach est surtout connu pour avoir adapté pour la scène quelques romans d’Émile Zola (L’Assommoir, Nana, Pot-Bouille) Les lecteurs de claretie.fr le connaissent pour avoir collaboré, avec Jules Claretie (qui le cite souvent), à l’adaptation pour le théâtre de trois de ses romans, Le Petit Jacques, Le Beau Solignac et Monsieur le ministre.

13     Nana, drame en cinq actes de William Busnach d’après Émile Zola sera créé au Théâtre de l’Ambigu le 29 janvier prochain (1881).

14     Anne Damien (1849-1911) a épousé en 1867, avant ses dix-huit ans, Léon Israël, dit Judic (1843-1884), régisseur de L’Eldorado, célèbre salle de spectacle du boulevard de Strasbourg, à Paris. Très rapidement Anne y a obtenu de grands succès dans un répertoire de chansons lestes, interprétées avec la plus grande ingénuité.

Judic

15     Céline Montaland (1843-1891) a débuté à la Comédie-Française à l’âge de quatre ans. À six ans et demi elle est engagée par le théâtre du Palais-Royal. C’est pour elle qu’Eugène Labiche écrit, pour la rentrée 1850, alors qu’elle a sept ans, La Fille bien gardée. Le succès est tel qu’une pièce sera créée ou reprise pour elle chaque année où elle interprète parfois des numéros de danse, et qui partent en tournée. En 1884 Céline Montaland entre comme pensionnaire à la Comédie-Française, qu’elle ne quittera qu’à se mort, de la rougeole, à 47 ans.

16     Nana est morte dans son hôtel.

17     Ellen Terry (1847-1928), comédienne anglaise, en même temps que ses quatre frères et sœurs. Ellen Terry est montée sur scène pour la première fois à l’âge de neuf ans, enchaînant les drames de Shakespeare.

Ellen Terry à l’âge de seize ans, magnifiquement mis en couleurs par Mario Unger

18     Henry Irving (1838-1905), comédien.

19     George Frederic Watts (1817-1904), peintre et sculpteur renommé, aîné de trente ans d’Ellen Terry.

20     Selon Jules Claretie, Ellen Terry, de son nom de naissance, a donc épousé un homonyme.

21     John Everett Millais (1829-1896) peintre et illustrateur.

22     Blackwoo’s Magazine, revue publiée de 1817 à 1980 à Londres.

23     Un keapsake est à l’origine un « Livre-album, élégamment présenté, comportant des poésies, des fragments de prose, et illustré de fines gravures, couramment offert en cadeau à l’époque romantique. » (TLFi, qui cite) : « La plupart des étrangers qui arrivent à Rome préfèrent, à toutes les figures de Raphaël […] les petites gravures fines et soignées du keepsake, et autres almanachs anglais (Stendhal, Promenades dans Rome).

24     Albert Glatigny (1839-1873), poète et homme de théâtre. En 1875, Jules Claretie a publié une bio-bibliographie d’Albert Glatigny.

25     Paul Scarron (1610-1660), Le Roman comique, inachevé paru au milieu du XVIIe siècle.

26     Albert Glatigny, Pages retrouvées. Les Héritiers de Scarron, « roman comique du XIXe siècle ». La publication de ce roman n’est intervenue qu’en 1940, chez Alphonse Lemerre.

Un document inédit sur Molière

Chronique parue dans Le Temps du 31 août 1880.

Cette chronique, après une introduction, reproduit l’état de la dépense nécessaire des représentations du Bourgeois gentilhomme à Chambord et à Versailles au cours de l’automne-hiver 1770. On peut observer que ces quittances s’étalent sur une année après les représentations, sans ordre chronologique. Les comptables et spécialistes de la monnaie de ce temps y trouveront leur compte, bien que ce document ne soit pas unique. Le brave lecteur de claretie.fr y remarquera surtout l’immensité des choses ordinairement nécessaires à ces spectacles. Il y verra aussi une profusion de notaires, supposant une administration difficile à imaginer. On peut penser que l’administrateur de spectacles de 2025 ne sera pas surpris et y verra même son quotidien.

Ce que coûtait une représentation de gala sous Louis XIV

Tout ce qui touche à Molière est aujourd’hui recherché avec une sorte d’avidité quasi religieuse. Les documents sont rares. L’inédit est ce qui manque le plus aux moliérophiles ou plutôt aux moliéristes, comme ils se font gloire de s’appeler. Voici pourtant quelque chose de fort curieux, qui a jusqu’ici échappé aux recherches des fureteurs, et que M. Victorien Sardou27 a trouvé dans les papiers inédits de son beau-père, le très savant et très regretté Eudore Soulié28-29, l’homme qui a peut-être donné sur Molière les renseignements les plus certains et les plus intimes.

Ce document, qui revient de droit au précieux petit journal le Moliériste30, auquel nous le dédions, est un état de la dépense faite pour la représentation du Bourgeois gentilhomme, en octobre 1670, au château de Chambord. Il sera fort intéressant, lorsque la Comédie-Française aura donné ou plutôt « restitué » le Bourgeois gentilhomme qu’elle va solennellement reprendre31, de comparer les dépenses de cette reprise aux dépenses de la représentation d’il y a tout juste deux cent dix ans.

C’est une curiosité peut-être indiscrète dont je réclamerai la satisfaction de l’obligeance de M. Émile Perrin32. Les molièristes lui en sauront gré. En attendant, voici, dans toute sa sécheresse ou, comme on voudra, son éloquence documentaire, le petit chapitre inconnu qui fait honneur à la fois à l’érudition célèbre d’Eudore Soulié et à l’obligeance de M. Victorien Sardou.

Je demande pardon de la longueur inusitée de de cette transcription, mais il n’est point permis d’abréger dans un travail de restitution, et c’est le détail qui fait tout le prix d’une telle pièce :

Texte du Temps

ESTAT

De la dépence33 faite pour la comédie-balet intitulé le Bourgeois gentilhomme, dancé à Chambord, au mois d’octobre dernier, et pour la répétition faite à Saint-Germain au mois de novembre ensuivant, auquel estat est joinct la dépense de quelques comédies réputées à Versailles pendant ledit mois de novembre 1670.

Quittance dud34. Baraillou de 5 108 liv., passée devant Desprez et Marion, notaires, le 20e décembre 1871.

À Baraillou, tailleur, la somme de 5 108 liv. scavoir : 1 700 liv. pour 22 habits à 80 liv. pièce 2 700 liv. pour 27 habits à 100 liv. pièce ; 90 liv. pour un habit seul ; et 260 liv. pour quatre habits pour un Anglois ; revenant lesdites quatre sommes à celle de 4 810 liv. plus de 208 liv. pour les cravattes, caleçons, louages d’habits pour quelques comédies, et autres fournitures par luy faites pour ledit ballet, suivant qu’il est plus amplement porté par ses parties arrestées à ladite somme de 5 108 liv.

Quittance dud. Fortier de 3 571 liv., passée devant Desprez et Marion, notaires, le 20e décembre 1671.

À Fortier, tailleur, la somme de trois mille cinq cent soixante et unze livres, scavoir 880 liv. pour unze habits à 80 Iiv. pièce ; 420 livres pour six habits à 70 liv. pièce ; 480 liv. pour huict habits de fluttes à 60 liv. pièce ; 120 liv. pour un habit de brocart et un manteau pour un Italien ; et 1 500 liv. pour les vingt habits des spectateurs du balet des Nations à 75 liv. pièce revenant toutes lesdites sommes à celle de 3 400 liv. et 171 liv. pour les caleçons, cravattes et autres fournitures qu’il a faites, suivant qu’il est plus précisément porté par ses parties modérées à ladite somme de 3 571 livres.

Quittance de Baraillon, de 900 liv. pour le contenu en cet article, passée devant Chupin, notaire, le 14e septembre 1670.

Aux sieurs de Lully et la demoiselle Hilaire la somme de neuf cent livres pour trois habits à raison de 200 liv chaque habit et 300 liv. pour les petites oyes desd, habits à raison de 100 liv. chaque, 900 liv.

Quittance du sieur Hubert, comédien, de 2 400 liv. passée devant Desprez et Marion, notaires, le 10e septembre 1670. Quittance dudit sieur de 2 000 liv. passée devant les d. notaires, le 23e septembre 1670.

Aux comédiens de la troupe du Palais-Royal, la somme de quatre mille quatre mille quatre cent livres pour tous les habits qui leur estoient nécessaires ; le tout reiglé au prix ordinaire suivant le mémoire, 4 400 liv.

Quittance de Dufour de 1 177 liv. passée devant Lemoyne et Thomas, notaires, le 29 aoust 1671.

À Dufour, la somme de unze cent soixante et dix-sept livres, scavoir 949 liv. pour 73 paires de bas de soie à raison de 13 liv. la paire ; 60 liv. pour quatre paires couleur de feu, à raison de 15 liv. la paire ; 90 liv. pour cinq paires de bas d’attache couleur ordinaire, à raison de 18 liv la paire ; 80 liv. pour cinq paires de bas d’attache couleur de feu, à raison de 20 liv. la paire ; et 18 liv. pour six paires de bas d’estame, à raison de 8 liv. la paire35 ; le tout reiglé au prix ordinaire, revenant suivant les parties dudit Dufour, à ladite somme de 1 177 liv.

Quittance dud. Destienges de, 535 liv., passée devant Buon et Delaballe, notaires, le dernier aoust 1671.

À Destienges, la somme de cinq cent trente-cinq livres pour 1 144 aunes de rubans fournies pour le balet de Chambord ; 752 aunes pour la répétition à Saint-Germain ; 80 aunes de ruban d’argent et 100 aunes de ruban façonné ; le tout à raison de 5 solz l’aune et 13 liv. 10 s. pour la garniture de l’habit de femme de l’Anglois, revenant toutes lesdites sommes suivant ses parties à celle de 535 liv.

Quittance de la Vve Vaignard de 1.835 liv., passée devant Marion, le 21e décembre 1671.

À la Vve Vaignard, la somme de dix-huit cent trente-cinq livres, scavoir 1 214 liv. pour toutes les ustanciles par elle fournies pour ledit balet, et 621 liv. pour les masques, jarretiers, mannes, cadenats et autres fournitures par elle faites, revenant lesdites deux sommes, suivant ses parties, à celle de 1 835 liv.

Quittance dud. Ducreux de 687 liv. passée par devant Mounier, notaire, le dernier aoust 1671.

À Ducreux, la somme de 687 liv. pour les perruques, barbes, jarretiers, mannes, cadenats et autres fournitures tant à Chambord qu’à Saint-Germain suivant ses parties modérées à lad. somme de 687 liv.

Quittance dud. Rabaclie de 76 liv. passée devant Mounier, notaire, le dernier aoust 1671.

À Rabache, perruquier, la somme de 76 liv., savoir 72 liv. pour six perruques de crin à 12 liv. la pièce, et 4 liv. pour la boete et le port desdit perruques à Blois revenant lesdites deux sommes à celle de 76 liv.

Quittance de Lenoir, de 603 liv., passée devant Moufle et Gigault, notaires, le 13e décembre 1671.

À Lenoir, plumacier, la somme de 603 liv. 1 s. pour toutes les plumes fournies pour ledit balet, à raison de 45 s. la plume double prix ordinaire suivant ses parties, arrestées à ladite somme de 603 liv. 1 s.

Quittance de Blanchard, de 80 liv, 16 s., passée devant Desprez et Marion, notaires, le 27e décembre 1671.

À Blanchard, la somme de 89 liv. 16 s., scavoir : 82 liv. 16 s. pour unze douzaines de gans blancs à 12 s. la paire, tant pour Chambord que la répétition à Saint-Germain, et 7 liv. pour une paire de gans de chamois et une de Cabron lesd. deux sommes revenant suivant ses parties à celle de 89 Iiv. 16 s.

Quittance de Brécourt, de 220 liv., passée devant Marion, notaire, le 12e septembre 1671.

À Brécourt, 220 liv. pour toutes les pierreries généralement quelzconques par luy fournies pour ledit balet et répétition suivant ses parties modérées à la somme de 220 liv.

Quittance dud. Balard, de 1 022 liv., passée devant Dorleans et Le Chanteur, notaires, le 21e mars 1672.

À Balard, imprimeur, la somme de 1 022 liv. y compris 176 liv, données à Autot, imprimeur à Blois, pour tous les livres qui ont esté nécessaires pour toutes les représentations et répétitions dudit balet, ports et fournitures de mannes, tant à Chambord qu’à St-Germain, suivant ses parties arrestées à ladite somme de 1 022 liv.

Quittance de Ducreux, de 420 liv. passée devant Mounier, notaire, le dernier aoust 1671.

420 liv. pour les escarpins qui ont esté nécessaires aux danseurs et concertans, tant pour la représentation à Chambord que répétition à Saint-Germain, scavoir 405 liv. pour 90 paires d’escarpins, à raison de 4 liv. 10 s. la paire, et 15 liv. pour trois paires données à Beauchamp, à raison de 5 liv. la paire, revenant lesd. sommes suivant le mémoire, à celle de 420 liv.

Quittance de Labbé, de 535 liv. 10 s., passée devant Mounier, notaire, le dernier aoust 1671.

535 liv. 10 s. pour tous les logemens des danseurs, musiciens et concertans pour la répétition du Ballet de Chambord, à Saint-Germain, et pour une nuit à Saiut-Dier, suivant le mémoire, 535 liv. 10 s.

Quittance dud. Labbé, de 3 976 liv., passée devant Mounier, le dernier aoust 1671.

Sept mille neuf cent seize livres dix solz pour toutes les nourritures, tant pour le voiage de Chambord que pour la répétition du balet à Saint-Germain et pour les comédies de l’hostel de Versailles.

Scavoir 1 056 liv. pour les musiciens et concertans à qui Sa Majesté a accordé par extraordinaire à chacun 24 liv. pour le voiage de Chambord.

Deux mille trois cent trente-sept livres dix solz pour les danceurs et musiciens à qui Sa Majesté n’accorde point de pentions, marchands, tailleurs, garçons tailleurs et autres gens nécessaires tant pour Chambord que pour Saint-Germain.

592 liv. 10 s., sçavoir à un Anglais 330 liv. et 33 liv. paiés pour luy au mr des trois marchands de Blois 60 liv. au sieur Gillet et 169 liv. au sieur Lagrille.

Quittance du sieur Hubert de 3 442 liv. passée devant Desprez et Marion, notaires, le 8e novembre 1670.

3 442 liv. 10 s. aux comédiens du Palais-Royal pour les nourritures et frais par eux faits, tant pour le voiage de Chambord que répétitions à Saint-Germain, suivant qu’il est plus amplement porté par leur mémoire arresté.

Quittance du sieur Soulas de 488 liv., passée devant Marion, notaire, le 8e novembre 1671.

488 liv. aux comédiens de l’hostel pour le voiage qu’ils ont fait à Versailles, scavoir 420 liv. pour leurs nourritures et 68 liv. pour les autres frais par eux faits.

Les cinq articles cy-dessus concernant les nourritures montent ensemble suivant les mémoires cy attachés à ladite somme de 7 916 liv. 10 s.

Quittance dudit Cordier de 2 855 Iiv., passée devant Marion, notaire, le 18e jour de décembre 1671.

À Cordier, la somme de deux mille trois cent cinquante-cinq livres scavoir, 2 205 liv. pour le pain, vin, verres, bouteilles, bois, viandes et fruit pour les répétitions et les représentations tant à Paris qu’à Chambord et à Saint-Germain, et 60 liv. pour pareilles fournitures aux comédiens de l’hostel et autres à Versailles, suivant ses parties arrestées à ladite somme de 2 355 liv.

Quittance du sieur Vigarany, de 1 500 liv., passée devant Marion, notaire, le 27e septembre 1670. Quittance dudit sieur de 985 liv. passée devant Le Semelier, le dernier aoust 1671.

Quittance dudit sieur de Vigarany, de 585 Iiv., passée devant Ogier et Moufle, notaires, le 26e décembre 1671.

Trois mille soixante et quinze livres pour la construction du théâtre36 fait à Chambord, scavoir, 1 302 liv. pour les ouvriers qui ont servy audit théâtre, 1 250 liv. à Marotte, peintre, 120 liv. à Jumel pour un service de table et la voiture, 278 liv. pour les cordages, les clouds et la thoile, et 130 liv. pour les voitures, tables et sièges plians nécessaires sur le théâtre ; toutes lesdites sommes modérées sur les parties du sieur Vigarany à ladite somme de 3 075 liv.

Quittance de Hertier de 1 578 liv. 2 s. passée devant Marion, notaire, le 30 aoust 1671.

Quinze cent soixante et dix huict livres deux solz pour toutes les planches, sollives, chevrons et autres bois fournis à Chambord pour les logemens des comédiens, musciens et concertans, journées de quelques ouvriers, une gallerie pour habiller les danseurs et pour un amphithéâtre fait dans la salle des comédies dudit Chambord, scavoir à Sauvage 881 liv. 10 s., à Claude Bafou, menuisier, 231 liv., à Jean Chenet, aussy menuisier, 240 liv., à Claude Lenoble, 49 liv. 12 s., à Jean Cagnet, 16 liv. et à Hertier, menuisier de la Chambre, 160 liv., revenant toutes lesdites sommes, suivant toutes les parties des ouvriers attachées ensemble à la somme de 1 578 liv, 2 s.

Quittance de Sauvage de 325 liv., passée devant Le Semelier, notaire, le dernier aoust 1671.

Soixante-dix livres pour toutes les serrures, couplets, targettes et autres ferrures pour servir à fermer les loges des musiciens, comédiens, concertans et autres, scavoir à Denis Marin, 26 liv., et 44 liv. à Louis Larbalettrie, revenant lesdites deux sommes à celle de 70 liv.

Cet article est compris dans le précèdent.

À Sauvage, la somme de deux cent cinquante-cinq livres huict solz pour toute la menuiserie, journées d’ouvriers et autres fournitures qui ont esté faites dans la salle du théâtre de Saint-Germain pour la répétition dud. ballet, suivant ses parties, 255 liv. 8 s.

Quittance dud. Ducreux de 180 liv. 3 s., passée devant Mounier le dernier aoust 1671.

À Ducreux, la somme de cent quatre-vingt livres trois solz pour les frais par luy faits tant à Chambord qu’à Saint-Germain et dans les chemins ; fourniture de 80 aunes de thoile pour boucher les fenêtres des musiciens, comédiens et concertans, paiemens de quelques ouvriers et autres menues choses suivant son mémoire arresté à ladite somme de 180 liv. 3 s.

Quittance de Paysan de 210 liv., passée devant Mouret le 5e septembre 1671.

À Paysan, pour la poudre, pommade, y compris ses peines, celles de ses garçons et les frais de leur voiage à Chambord, la somme de 210 liv.

Neuf mille neuf cent quatre-vingt-dix-huict livres pour toutes les voitures générallement quelzconques tant pour le ballet de Chambord, les répétitions à Saint-Germain que pour le voiage des comédiens de l’hostel à Versailles au mois de novembre dernier.

Quittance de Lavigne de 2 936 liv., passée devant Ogier et Gigault, notaires, le dernier aoust 1671.

À Lavigne, 2 302 liv., pour sa part des carrosses qu’il a fourny pour Chambord, et 634 liv. pour ce qu’il a fourny tant pour la répétition du ballet à Saint-Germain que pour la troupe des comédiens de l’hostel à Versailles.

Quittance de Le Jay de 3.553 liv., passée devant Desprez et Marion, notaires, le 1er juillet 1071.

Au commis du grand bureau des caresses 3 174 livres, pour la part de ses fournitures de carosses pour le voiage de Chambord, et 370 liv. pour la répétition du balet à Saint-Germain.

Quittance de Jean Bordes, dit Tourangeau, de 664 liv., passée devant Ferret, notaire, le 6e janvier 1671.

À Tourangeau, 664 liv., pour ses fournitures de carosses tant pour le voiage de Chambord, répétition du balet à Saint-Germain que pour les comédiens de l’hostel de Versailles.

Quittance de Louis Hubert de 2 352 liv., passée devant Marion, notaire, le 21e décembre 1671.

À Me Louis, 2 148 liv., pour les charettes pour porter le bagage des comédiens, les mannes des danseurs et concertans et autres choses nécessaires, à raison de 12 liv. par jour chaque charette, et 204 liv. pour la répétition du balet à Saint-Germain et pour porter le bagage des comédiens de l’hostel a Versailles.

Quittance de Charlotte Le Trotteur de 403 liv. passée devant Gigault, notaire, le dernier aoust 1671.

493 liv. pour d’autres voitures données pour le voiage de Chambord, quelqu’unes ayant manqué suivant qu’il est plus amplement porté par un mémoire particulier cy attaché.

Les cinq articles cy dessus revenant ensemble, suivant les parties et mémoires, à ladite somme de 9 998 liv.

Quittance de Marie, de Lyon, de 50 liv. 8 s. passée devant Bellanger et Dupuls le 5e septembre 1671.

Cinquante livres huict solz pour trois bannes qui ont servy à couvrir les charrettes où estoient les habits à raison de huict solz par jour chaque pendant quarante-deux jours monte à 50 liv. 8 s.

Quittance de Labbé de 153 liv. passée devant Mounier notaire, le dernier aoust 1671.

Pour tous les suisses qui ont servy tant à Chambord qu’à Saint-Germain et à toutes les répétitions, 153 liv.

Quittance du sieur Lully de 800 liv. passée devant Ogier le 21e février 1671.

Au sieur de Lully pour ses copistes, leur entretien et nourriture, la somme de 800 liv.

Pour les ports, raports et entretiens d’instruments, 196 liv.

Quittance du sieur Gissez de 483 liv. passée devant Ogier, notaire, le 7e décembre 1670.

Pour les dessins et peines du sieur Gissez, 483 liv.

Quittance de Ducreux de 250 liv. passée devant Marion et Le Bois, notaires, le 14e mars 1672.

Pour les peines d’avertisseurs, huissiers et autres gens nécessaires, 300 Iiv.

Quittance du sieur Soulégne, concierge de Saint-Germain, de 100 liv., passée devant Marion, notaire, le 21e janvier 1671.

Aux concierges de Chambord et Saint-Germain à raison de 100 liv. chacun, 200 liv.

Quittance de Labbé de 405 liv. passée devant Mounier notaire, le der aoust 1671.

Pour tous les menus frais impréveus suivant le mémoire cy attaché, 405 liv.

ARGENTERIE

Il a esté paié sur la despence du présent estat la somme de 27 000 liv. en trois ordonnances partant celle pour le parfait paiement la somme de 22 404 liv 18 s. sur le sieur Turlin, trésorier de l’Argenterie.

Somme totalle du contenu au présent estat, 49 404 liv. 18 s.

Nous, Louis Marie d’Aumont de Rochebaron, duc et pair de France, premier gentilhomme de la chambre du Roy, certiffions avoir ordonné la dépence contenue au présent Estat et l’avoir arrestée pour Sa Majesté à la somme de quarante-neuf mille quatre cent quatre livres dix-huict solz Fait à Paris le         février 1671.

Signé : Le Duc d’AUMONT

Enregistré au contrôle général de l’Argenterie par moy, Intendant et contrôleur général de ladite Argenterie et des Menus-Plaisirs et affaires de la chambre de Sa Majesté, les jour et an de l’autre part.

Signé : Boileau

Reprise de Jules Claretie :

Les réflexions à propos de ce document déjà long, nous mèneraient trop loin. Mais j’ai tenu à le recueillir, comme un tableau exact, en quelque sorte familier, d’une représentation royale. Près de cinquante mille livres, en ce temps-là, c’était somme considérable. Le théâtre coûtait cher aux éternels payants de tous les régimes. C’est là comme l’envers et les coulisses d’une de ces fêtes célèbres du temps de Louis XIV, dont nous ne connaissons que les éblouissements.

J’ajoute que ce document, trouvé aux Archives Nationales O 14083, carton intitulé Menus (Partie des pièces justificatives des années 1619 à 1700) a été copié et collationné le 11 février 1864 par Eud. Soulié, à qui, comme en tant d’autres choses qui touchent à Molière, il est juste d’attribuer tout l’honneur de la découverte. — Jules Claretie.

Notes Molière

Les notes du texte sur les deux Anglaises sont plus haut.

27     Victorien Sardou (1831-1908), auteur dramatique à succès. Voir le chapitre qui le concerne dans la page « Nana chez Madame Adam ».

28     Eudore Soulié (1817-1876), fils d’un bibliothécaire de l’Arsenal, entre comme commis au musée du Louvre à l’âge de 21 ans et est nommé conservateur adjoint en 1848. En 1850 il devient le premier conservateur du château et musée de Versailles. Il y demeurera vingt-six ans, jusqu’à sa mort, à l’âge de 59 ans.

29     Victorien Sardou a d’abord épousé, en 1858, Laurentine Moisson de Brecourt (1827-1867), modiste et un peu comédienne, morte à l’âge de 39 ans puis, en 1872, Anne Soulié (1845-1923), qui lui a donné quatre enfants.

30     Le Moliériste, revue mensuelle de 32 pages, est paru à l’initiative de Georges Monval (1845-1910), de 1879 à 1888 avocat, comédien et archiviste. Comme on le voit sur la couverture, Jules Claretie en faisait partie.

31     Le 21 octobre, à l’occasion du deuxième centenaire de la Comédie-Française. Une édition exceptionnelle du texte de cette soirée a été réalisée par la librairie des bibliophiles et par Paul Ollendorff, « précédé d’une notice par François-Joseph Régner, ancien sociétaire de la Comédie-Française et d’un à-propos en vers par François Coppée ».

32     Émile Perrin (1814-1885) est l’actuel administrateur général de la Comédie-Française depuis 1871. Il va mourir à la tâche et être remplacé par Jules Claretie (qui mourra à la tâche). Comme François Coppée, Jules Perrin fait évidemment partie des moliéristes.

33     La graphie originale a été respectée mais la graphie des chiffres (suppression des points décimaux) respecte l’usage moderne.

34     Abréviation de l’expression « du dit ».

35     « 8 » incertain. « 3 » ?

36     Le décor.

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