De l’état présent du théâtre

Chronique des « Théâtres » parue dans Le Soir du 27 mai 1872 et mise en ligne le  huit avril 2025. Temps de lecture : treize minutes.

Depuis novembre 1871, Jules Claretie publie une chronique dramatique tous les lundis dans Le Soir. Ce quotidien est paru un peu avant la guerre, en avril 1869, dans un esprit de fervent bonapartiste.

L’idée n’est pas, chez claretie.fr — pas encore — de donner l’intégralité des chroniques dramatiques de Jules Claretie mais celle-ci est particulière… et particulièrement intéressante. Il ne s’agit pas d’une étude scientifique de cet état du théâtre comme pourrait en établir un historien, juste le sentiment, l’impression — le ressenti, comme on dit de nos jours — d’un critique dramatique.

Depuis la semaine passée, les théâtres n’ont offert aucune nouveauté au public. Nous avons dit quel succès de larmes avait obtenu, à la Comédie-Française, le petit drame de MM. Jules Sandeau et Decourcelle1. C’est encore là l’œuvre la plus récente et nous n’aurions à parler d’autre chose que de cet émouvant tableau. Profitons donc de ce répit que nous donnent les pièces inédites pour jeter sur l’état présent du théâtre un rapide coup d’œil. Ces sortes d’examens généraux sont excellents à entreprendre de temps à autre.

Il est une chose évidente, c’est que le théâtre, pour parler comme les médecins, subit une crise. Le public aime tout autant, à coup sûr, le théâtre qu’autrefois ; mais ce public, composé d’éléments disparates, n’a plus pour décider de la valeur et du sort des pièces, la même puissance que jadis. Plus nous irons, et moins les premières représentations auront d’influence sur la destinée d’un drame ou d’une comédie. Ce sera souvent tant mieux, ce sera plus souvent tant pis !

Les chemins de fer, la facilité des voyages, le flux et le reflux éternel des étrangers, des provinciaux, ont peu à peu submergé, de façon à le noyer tout à fait ce public d’habitués et de connaisseurs qui suivait jadis le théâtre avec une sorte de passion, y vivait et en vivait, pour ainsi dite, et exerçait sur l’art dramatique tout entier une influence fréquemment heureuse.

Où est le temps, par exemple, où l’auteur dramatique s’inquiétait, comme le Figaro de Beaumarchais, de ce que le café dirait de telle ou telle scène ? Le café, c’était la critique immédiate et parlée, le feuilleton sous forme de mots signés de Rivarol ou de Chamfort. Aujourd’hui le café s’appelle le foyer, mais s’il a quelque action sur l’impression première des spectateurs, il la perd bien vite une fois le rideau tombé. Arrive un flot nouveau de spectateurs qui ne tiennent compte ni de l’avis du public d’amateurs, ni de celui de la critique. Ces spectateurs descendent tous ou presque tous du wagon, viennent de dîner en hâte à l’hôtel, et sont venus s’asseoir dans leur stalle autant pour digérer leur repas que pour écouter la pièce de théâtre.

C’est ce public de passage, cette alluvion d’éléments exotiques qui a lentement, mais sûrement transformé et, à mon avis, déformé l’art dramatique français. Cet art dramatique est encore un des côtés par lesquels éclate notre supériorité sur les autres peuples. Il est évident qu’on chercherait vainement en Europe un autre Dumas ou un autre Augier2, comme on n’y découvrirait ni un acteur comme Regnier3 ou comme Got4 : mais, en dépit de cette supériorité, qui devient chaque jour relative, l’art dramatique français se rapetisse. Il en est de lui comme de la peinture qui constitue, elle aussi, une de nos supériorités5.

La peinture se fait accessible, mondaine, aimable : elle devient une chose de vente, elle ne se maintient pas au degré où l’avaient placée les maîtres, morts aujourd’hui, qui combattaient il y a vingt ou trente ans. Le théâtre, ne s’adressant plus seulement au public de choix, cultivé ou passionné, au public des fauteuils qui jugeait, comparait, choisissait, ou au bon public d’en haut qui savait sentir et pouvait s’émouvoir ; le théâtre, forcé de se faire accueillant et hospitalier au public de passage, a perdu les qualités aimables du logis préféré, aimé, pour acquérir tout juste les « vertus » d’un caravansérail ou d’une auberge.

On ne s’y assied pas, on y passe ; on n’y entre pas pour écouter, mais pour voir. Le fameux castigat ridendo6 ferait bien rire auteurs et public. On le bifferait d’un trait de plume, en disant « C’est du vieux jeu. » Aussi bien, que devient l’art dramatique en un pareil état ! Et, par exemple, quelle œuvre d’un sentiment tout nouveau, d’une visée curieuse, d’une étude spéciale, est née de la révolution qui, ce semble, aurait dû, après tant de traverses et depuis deux ans, s’être accomplie dans les esprits ?

J’ai beau chercher, je ne trouve rien qui, à dire le vrai, porte une marque inédite, une date bien nouvelle. S’il me fallait indiquer une œuvre pourtant, j’étonnerais un bon nombre de gens en affirmant que je citerais une comédie presque aussitôt disparue qu’affichée, Nany7. Tout le reste a été plus ou moins remarquable, mais nouveau, certes non ! Voilà même un des symptômes les plus alarmants de notre état présent, plus alarmant à coup sûr que les orages de la politique, c’est l’absolue anémie intellectuelle dans laquelle sont tombés les esprits, c’est la pénurie, non pas de talents, mais d’œuvres. On se dissémine, on se disperse, on se dépense, on se gaspille en menue monnaie : nul n’a la force de se concentrer, de s’enfermer avec sa propre pensée, et de se prendre corps à corps avec son idéal. Je me sers là d’un mot bien ridiculisé, l’idéal, je le reconnais, mais je ne l’effacerai cependant point.

Aussi, a-t-on beau chercher de tous côtés une œuvre nouvelle, moins que cela, une promesse d’œuvre, non pas même une étoile, ce serait trop exiger, mais un pâle rayon d’étoile, on ne rencontre rien ! La Comédie-Française, j’en ai bien peur, n’a rien de bien inédit dans ses cartons, et il faut que cet artiste hors ligne, M. Perrin8, s’applique à ressusciter Alfred de Musset dans un costume digne de lui, pour utiliser son propre talent. Le Gymnase est-il plus riche ? Une comédie d’Alexandre Dumas, quelque excellente qu’elle soit, ne marquera pas une voie nouvelle. Le théâtre du Vaudeville n’appartient plus, à vrai dire, aux auteurs dramatiques. Il pourrait tout uniment s’appeler le Théâtre-Sardou9, comme le petit théâtre du boulevard du Temple s’appelle le Théâtre-Déjazet. Voilà pour la comédie.

Quant au drame, il a subi maint échec. C’est pourtant là le maitre-genre, tragique et comique à la fois, l’arme d’émotion la plus puissante dans une main vigoureuse d’artiste. Mais les escapades de M. Billion10 ont peut-être bien compromis le théâtre de l’Ambigu11 ; et la Gaité12 n’a l’air d’interrompre un moment ses féeries que pour monter quelque reprise. Le public du théâtre du Château-d’eau13 n’est point façonné, point groupé encore, et les directeurs hésitent entre la revue de fin d’année et le drame judiciaire. Il y avait, il y a encore un théâtre admirablement situé pour représenter le grand drame, littéraire sans ennui, et doté de tous les prestiges de la mise en scène.

Mais j’ai peur que l’insuccès de Daniel Manin14 n’ait un peu refroidi le zèle des directeurs qui, dorénavant, reprendront beaucoup plus volontiers certains drames déjà applaudis qu’ils ne risqueront des drames d’auteurs nouveaux. Et pourtant, qu’a-t-il donc manqué à Daniel Manin pour être un grand succès d’argent ? Peu de chose, mais une chose capitale. On peut bien le dire aujourd’hui, il lui a manqué d’être une pièce. Toutes les bonnes intentions et tout le patriotisme ne valent pas au théâtre une combinaison scénique. La Bouquetière des Innocents15 est une pièce qui a la fièvre du mouvement et de vie, et voilà pourquoi, aujourd’hui comme il y a huit ans, elle a rencontré le même succès.

Un théâtre qui tenait le milieu entre les théâtres de comédie et les théâtres de drame, c’est celui de M. Larochelle16, le théâtre de Cluny. Malheureusement le directeur est à peu près décidé à l’abandonner, en prenant avec M. Ritt la direction de la Porte-Saint-Martin. C’est dommage. Il y avait là un coin réservé à une sorte de littérature sans fracas qui avait son utilité. Ne va-t-on point, peut-être, faire du théâtre de Cluny un théâtre de chant, un café-concert, ou une sorte de Bobino redivivus, lorsque M. Larochelle l’aura quitté ? Combien le regretteraient et diraient avec nous que c’est dommage.

Le drame, avant un an, aura, il est vrai, un nouveau théâtre, celui de la Porte-Saint-Martin17. Mais j’ai peur qu’il ne soit consacré, comme l’Odéon, au seul théâtre de M. Victor Hugo18. On sait ce que je pense de ce magistral théâtre mais, au point de vue de l’art absolu et strict, je suis un peu comme le coq de la fable : le moindre grain de mil ferait bien mieux mon affaire19, le moindre éclat d’un jeune homme, d’un nouveau venu, me toucherait davantage. Il prouverait que la filiation n’est pas interrompue. Lorsque l’Odéon aura joué pendant toute une saison Ruy-Blas (et, entre parenthèses, M. Pierre Berton vient de s’y montrer on ne peut plus remarquable20). Lorsqu’il donnera ensuite, pendant le même nombre de mois, Marion Delorme, l’art dramatique aurait-il donné une nouvelle formule, autre que celle que nous admirions ?

Et, si les on dit sont exacts, les directeurs futurs de la Porte-Saint-Martin, sortie de ses cendres, songeraient à faire succéder au Roi s’amuse, de Victor Hugo, les drames de Casimir Delavigne21. Je ne puis certes croire à cela. Ce serait, de la part des directeurs, une erreur volontaire, car Delavigne n’a, malgré ses qualités que je ne méconnais point, pas plus d’action sur la génération actuelle que n’en ont, je suppose, les tableaux de Paul Delaroche22.

Et puis, quoi ! Que demandons-nous ? Que demande le public ? Du nouveau, du nouveau sans cesse ! Le terrain est tout préparé pour l’homme qui apporterait un sentiment nouveau du théâtre. Le public, ami de l’art dramatique, applaudirait et ce ne serait point, certes, le public des représentations suivantes qui casserait ses arrêts. Il prend, celui-là, ce qu’on lui offre, sans choisir et, pour me servir d’une expression vulgaire, il avale sans mâcher.

Ce qu’il avale, c’est presque toujours de l’opérette. On ne lui donne pas autre chose. Le Palais-Royal seul a su conserver son genre spécial, sa troupe et son public sans tomber dans le café-concert. Et la foule, à coup sûr, s’amuse autant à l’Hirondelle23 et aux pièces de Labiche qu’aux opérettes les plus fêtées. L’opérette est surtout bien placée aux Bouffes24, où elle est née, ou plutôt où elle a grandi. C’est là son terrain, sa maison. J’aurais voulu voir les Variétés25 réussir avec un genre mixte, par exemple des vaudevilles, d’une forme nouvelle, rajeunis et actualisés.

Mais à quoi servent les vœux de la critique et ses arrêts, cassés aussitôt que rendus ? On crie holà ! et le public se rend en foule ou on lui conseille de ne point aller. Que n’a-t-on pas dit du Roi Carotte26 ! Il fait salle comble tous les soirs Le temps n’est pas loin où les jugements des lundistes27 n’auront plus de valeur aucune, et où le public ne s’inquiétera, ni du talent ni de la conviction du feuilletoniste mais du sort de la pièce constaté le lendemain en quelques lignes rapides et en style télégraphique. Ce jour-là le théâtre pourra être encore une excellente entreprise dramatique, un fructueux métier pour les directeurs et les auteurs, un commerce plus lucratif ou plus chanceux qu’un autre, il aura cessé d’être un art !

C’était, en effet, cette ennuyeuse critique qui maintenait la moyenne des productions. C’était elle, devenue l’écho du public ami du théâtre, qui guidait, conseillait, corrigeait en irritant, encourageait par des bravos et éperonnait aussi l’acteur et l’auteur par des injustices mêmes. En Angleterre, où la critique n’existe pas, l’art dramatique est absent. Les Allemands ont eu des dramaturges, parce qu’ils ont eu des critiques. Souvenez-vous du temps où le légendaire plaisant du parterre28 des anecdotes du siècle passé disait le mot juste sur la pièce nouvelle, où un quidam s’écriait : « Bravo, Molière, voici de la bonne comédie. » Le critique, le lundiste, était ce quidam-là. Il était, lui aussi, le plaisant du parterre. Hélas, il n’y a plus de parterre, il n’y a plus rien de plaisant, et bientôt y aura-t-il vraiment un art dramatique chez nous ?

Jules Claretie

Notes

1       Non, nous n’avons pas dit. Dans sa chronique des « Théâtres » de lundi dernier, Jules Claretie a écrit : « La reprise du Chandelier [Musset] a été l’attraction de la semaine. L’œuvre de Musset est accompagnée depuis hier d’un petit acte, Marcel, par Jules Sandeau et de Courcelle, dont nous parlerons bientôt. »

2       Émile Augier (1820-1889), fils d’avocat, écrit des pièces de théâtre tout en suivant des études de droit. Il a été élu à l’Académie française en mars 1857. Jules Claretie a dressé un portrait d’Émile Augier dans la série « Célébrités contemporaines ».

3       François-Joseph Regnier (1807-1885), comédien et professeur de théâtre. Il est entré à la Comédie-Française en 1831, âgé de 24 ans, devenu sociétaire en 1835 et doyen en 1865 avant de prendre sa retraite l’an dernier (1871). F.-J. Regnier, particulièrement à l’aise dans le répertoire contemporain est l’auteur de plusieurs pièces de théâtre en collaboration avec son ami Paul Foucher (1810-1875). Bien qu’il n’ait pas étudié au Conservatoire mais dans des tournées de province, F.-J. Regnier est devenu professeur au conservatoire à partir de 1854. Il a formé de nombreux élèves, dont Firmin Léautaud.

4       Edmond Got (1822-1901), a débuté à la Comédie-Française à l’été 1844, et s’est toujours montré à l’aise dans les rôles comiques.

5       Ces jours-ci, et tous les deux ou trois jours, du treize mai au 22 juin, Jules Claretie écrit dans Le Soir une série de douze articles sur le Salon (de peinture) de 1872… et bien entendu sa chronique des théâtres du lundi et ses Chronique de Paris quasi-quotidiennes…

6       Castigat ridendo mores : Corrige les mœurs en t’en moquant (Jean de Santeuil (1630-1697), poète catholique. Molière, dit-on avait fait le sien ce dicton.

7       Nany, comédie en quatre actes d’Henri Meilhac et Émile de Najac créée à la Comédie-Française le vendredi douze avril 1872. Jules Claretie a chroniqué cette pièce dans Le Soir du lundi suivant quinze avril. Nany est une paysanne qui refuse que son fils se marie afin de ne pas le perdre.

8       Émile Perrin (1814-1885), peintre, critique d’art et décorateur de théâtre a été nommé administrateur général de la Comédie-Française il y a moins d’un an en juillet dernier (1871), poste qu’il tiendra pendant quatorze ans jusqu’à sa mort en 1885. Jules Claretie sera son successeur.

9       En 1859 la comédienne Virginie Dézajet (1798-1875) a sauvé de la misère le jeune auteur dramatique Victorien Sardou (1831-1908) en lui achetant un théâtre au 41 boulevard du Temple, qu’elle nomme les Folies Dézajet et qu’elle dirigera jusqu’au début de la guerre de 1870. Contrairement au Théâtre du Vaudeville, le théâtre Dézajet est donc un théâtre privé. Après avoir connu plusieurs adresses, dont une en face de la Bourse, le Théâtre du Vaudeville a été bâti par la ville de Paris au deux boulevard des Capucines, à l’angle de la rue de la Chaussée-d’Antin et inauguré deux ans avant la guerre, en 1868. En 1927 ce théâtre, comme beaucoup, est devenu un cinéma, toujours en activité et même profondément rénové récemment. Après avoir lui aussi été transformé en cinéma, le théâtre Dézajet est réapparu en 1977 et est toujours en activité.

10     Billion et Louis Dumaine, furent directeurs du théâtre de l’Ambigu à la rentrée de 1869. Ce théâtre était en très mauvais état financier et ses directeurs d’une sévère économie. Dans Foyers et coulisses, histoire anecdotique des théâtres de Paris, d’Henry Buguet, le fascicule traitant de l’Ambigu-Comique, paru en 1880 chez Tresse, nous pourrons lire (page 26) : « Alors commença un défilé interminable de drames attristants, montés avec une économie exagérée, et joués par des acteurs sans éclat. M. Dumaine abandonna sagement la partie, et M. Billion s’attacha à réduire de plus en plus les frais qu’il ne parvenait pas à couvrir. » Pour ce théâtre, voir aussi la page « Une soirée à l’Ambigu »

11     Après son incendie boulevard du Temple, ce théâtre a été reconstruit en 1828 sur le boulevard Saint-Martin. Il sera démoli en 1966 malgré les dénégations du ministre de la culture de l’époque.

12     Comme l’Ambigu, le théâtre de la Gaîté se trouvait boulevard du temple, comme de nombreux théâtres parisiens. Ce théâtre n’a pas brûlé mais a été détruit par l’agrandissement de la place du Château d’eau (actuelle place de la République) et été reconstruit en 1862 dans une architecture similaire, proche des Arts-et Métiers. Ce théâtre porte de nos jours le nom de Gaîté lyrique.

13     Deux théâtres ont existé sous ce nom, sans doute pas en même temps. Un théâtre du Château d’eau se trouvait 61 rue du Château d’eau depuis 1867 et existe toujours. Il semble que c’est celui évoqué ici. Les Léautaldiens se souviennent que Rachilde a fréquent le « Club du Faubourg » où Léo Poldès donnera des conférences dans ce théâtre dans les années 1920. Le théâtre du 50 rue de Malte que les plus âgés parmi les lecteurs de claretie.fr ont connu sous le nom d’Alhambra jusqu’en 1967 avait auparavant porté le nom de théâtre du Château d’eau puis de théâtre de la République.

14     Charles de Lorbac et Dharmenon (Frédéric Espion, 1825-1886), Daniel Manin, drame en cinq actes et huit tableaux, créé le quinze mars dernier au théâtre du Châtelet. Ce drame est tiré de la vie de l’Italien Daniele Manin (1804-1857), promoteur de la réunification de l’Italie, mort à Paris, où une rue porte son nom. Jules Claretie évoque rapidement cette pièce à la fin de sa chronique du Soir du 26 février.

15     Auguste Anicet-Bourgeois (1806-1871) et Ferdinand Dugué (1816-1913), La Bouquetière des innocents, drame en cinq actes et onze tableaux créé au théâtre de l’Ambigu-Comique en janvier 1862. Le texte de la pièce a été publié la même année chez Michel Lévy. L’action se déroule au moment et après l’assassinat d’Henry IV. Cette année 1872, les représentations de La Bouquetière des innocents ont suivi, à partir du samedi 18 mai, au Châtelet, celles de Daniel Manin. Jules Claretie a rapidement évoqué cette reprise à la fin de sa chronique du Soir du vingt mai. Son ami Francisque Sarcey en a traité un peu plus longuement dans sa chronique du Temps du 27 mai.

16     Henri Larochelle (Julien Boullanger, 1826-1884), comédien entré à la Comédie-Française en 1847 puis à la Porte-Saint-Martin après la révolution de 1848. Henri Larochelle est devenu ensuite directeur du petit théâtre Montparnasse, puis de théâtres de plus en plus grands, jusqu’au théâtre de la Porte-Saint-Martin cette année 1872, qui l’avait connu comédien vingt ans plus tôt. Nous le connaîtrons directeur de l’Ambigu en 1876. Mais avant cela, en 1864, Henri Larochelle avait été, ainsi que Jules Claretie l’indique, directeur du théâtre de Cluny qu’il avait créé, transformant en théâtre, un café qu’il avait acheté.

17     Ce grand théâtre, inauguré en 1781 à presque un siècle. Il a été en mai dernier incendié par les émeutiers de la Commune et reconstruit au même endroit. Il rouvrira dans plus d’un an, en septembre 1873

18     En effet, la pièce inaugurale représentée fin septembre 1873 sera une reprise de Marie Tudor, drame en trois actes créé dans ce même théâtre à la rentrée de 1833.

19     Jean de La Fontaine : Le Coq et la perle : « Un jour un Coq détourna / Une perle qu’il donna / Au beau premier Lapidaire : / Je la crois fine, dit-il ; / Mais le moindre grain de mil / Serait bien mieux mon affaire. »

20     Ruy Blas a été repris à l’Odéon en février dernier. Le programme du Figaro du vingt février, date de la création, ne mentionne pas Pierre Berton, qui a repris le rôle à l’assez faible Lafontaine au mois de mai (Alexandre Hepp & Clément Clament, Histoire de Ruy Blas, Ollendorff 1879, page 86). Francisque Sarcey réserve à Ruy Blas la totalité de sa chronique du Temps du 26 février. Jules Claretie, dans Le Soir, va jusqu’à donner deux chroniques pour cette pièce, dont la première dans le numéro du 19 février, veille de la première représentation et la seconde le 26 février. Quelques rôles, Ruy Blas : Lafontaine, don Saluste : Geffroy, Don César de Bazan : Mélingue, La Reine : Sarah Bernhardt. On peut aussi noter que Michel Lévy a profité de cette reprise pour rééditer le texte du drame. Victor Hugo en déposera aux pieds de Juliette Drouet le premier exemplaire.

21     Casimir Delavigne (1793 1843), à cinquante ans) poète et auteur dramatique, a été élu à l’Académie française en 1825 à l’âge de 32 ans par 27 voix sur 28 votants. Jules Claretie doit penser au fait que casimir Delavigne a voté contre l’entrée à l’Académie française de deux romantiques (plus vraisemblablement pour des raisons politiques) Victor Hugo et Alfred de Vigny.

22     Paul Delaroche (1797-1856), peintre d’histoire, était célèbre en son temps grâce à son style sans aspérités et tout anecdotique, parfaitement adapté aux manuels scolaires. Les titres de ses œuvres recourent massivement à l’adverbe descriptif, ce qui est rarement bon signe : « Strafford marchant au supplice », « Cromwell regardant… », « Bonaparte franchissant les Alpes »…

23     Victor Bernard (1828-1890), L’Hirondelle, comédie en un acte écrite en collaboration avec William Busnach et Eugène Grangé, créée au théâtre du Palais-Royal début mai.

24     Le théâtre des Bouffes parisiens de la rue Monsigny, reconstruit en 1864, connu pour sa sortie dans le passage Choiseul.

25     Le théâtre des Variétés du boulevard Montmartre, inauguré en 1807, est le plus ancien des théâtres cités dans cette page.

26     Pour cette féérie de Victorien Sardou créée au début de l’année, voir la note dix de la page : « Au théâtre des Nouveautés ».

27     Les chroniques des théâtres paraissaient à cette époque tous les lundis, que ce soit dans Le Soir (Jules Claretie), Le Temps (Francisque Sarcey) ou Le Figaro

28     Dans Du “plaisant du parterre” à “l’orateur du parterre” : l’anecdote dramatique comme scène de la voix du public (dans Julia Gros de Gasquet et Sarah Nancy, La Voix du public en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, Presses universitaires de Rennes, pp. 17-28, 2019), Sophie Marchand cite cette anecdote à propos de la représentation d’une pièce de La Grange : « Lorsqu’on donna cette pièce au Théâtre-Français, un plaisant, en battant des mains de toutes ses forces, applaudissait à tout rompre et criait en même temps : Ah ! Que cela est mauvais ! Ceux qui se trouvèrent à ses côtés, surpris de ce procédé bizarre, lui demandèrent pourquoi il disait que la pièce était mauvaise, dans le temps même qu’il l’applaudissait. J’ai reçu, répondit-il, un billet pour applaudir […] mais je suis honnête homme et je ne puis trahir mon sentiment ; c’est pourquoi tout en battant des mains, je dis et répète que la pièce est détestable. »

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