« Chronique » parue dans Le Temps du quatre juin 1880, mise en ligne le dix mars 2025. Temps de lecture : un quart d’heure.
Ce texte ne fait pas partie des Vie à Paris mais des « Chronique ». Il est paru uniquement dans Le Temps du quatre juin 1880, page deux.
Ce site web s’est ouvert avec la première Vie à Paris du seize décembre 1879 et alterne, de façon chronologique avec des Chronique de Jules Claretie datant de la même époque. Il reste que certaines chroniques plus anciennes présentent un intérêt. Elles seront publiées hors calendrier de publication.

Les panoramas — L’exposition du Cercle des arts libéraux — Le monument de la Défense de Paris — Aimé Morot — Galatée chez Juliette Adam — Notes
Les panoramas
Le public finira par être harassé par les expositions de peinture. Il y en a de tous les côtés. C’est une mer montante de couleurs. On se demande où vont toutes ces toiles, en fin de compte, et c’est effrayant ce qu’en dix années peut barbouiller le pinceau humain. Toutes ces expositions sont à l’art pur ce qu’est la photographie à la peinture la barbotine1 à la céramique, le cancan imprimé à la littérature.
Et savez-vous de quoi nous sommes menacés ? D’une invasion de panoramas ! Il s’en fabriqué partout. Dans la seule ville de Bruxelles, il s’est constitué onze Sociétés financières pour exploiter onze panoramas. Sur le Catalogue de l’Exposition permanente internationale ouverte, au Palais du Midi, à Bruxelles2, en présence du roi des Belges. M. de Neuville3 et M. Detaille4, sont qualifiés peintres de panoramas. On leur donne encore ce titre sur l’affiche de l’Exposition.
Le panorama est la fureur de l’heure présente. Comme le panorama de la défense de Paris peint par M. Félix Philippoteaux5 aux Champs-Élysées6 gagne un argent fou (les actions émises à cinq-cents francs en valent 14 000), on se figure qu’il n’y a qu’à fonder des panoramas, à peindre des toiles et à bâtir des monuments qui ressembleront au tombeau de Cécilia Metella7, dans la campagne de Rome, ou aux gazomètres de la banlieue de Paris, pour réaliser des bénéfices extraordinaires.
Et on panoramise le monde entier ! Je citais naguère, ici-même quelques-uns des panoramas en cours d’exécution. Mais chaque jour en voit éclore un nouveau. Un vent de panorama souffle sur les crânes. Les peintres ne rêvent que panoramas, les financiers d’émissions panoramiques. Reste à savoir ce que pensera le public, ahuri par tant de panoramas, dioramas, peinturloramas8 à la fois.
Londres, Paris, Berlin, Vienne, New-York, Lyon, Marseille, auront leurs panoramas. Il y aura des panoramas fixes et des panoramas voyageurs, des panoramas logés dans de la pierre de taille et des panoramas colportés dans les baraques en planches à travers les petites villes de France. Ah ! la peinture a de beaux jours encore ! Elle devient affaire financière, elle se cote à la Bourse, elle publiera bientôt son Journal des Halles et des marchés artistiques.
M. Poilpot9 et M. Jacob achêvent le panorama de la Bataille de Balaklava. Celui-ci est pour Londres. M. Castellani, qui vient de gagner un million à Bruxelles avec un panorama de la Bataille de Waterloo, installe un panorama de la Bataille de Reichsoffen dans l’ex-Grand-Café-Parisien, place du Château d’Eau10. M. Julien Le Blant11, le jeune peintre si remarquable du Bataillon carré12, peint un panorama, qui sera des meilleurs : la Bataille de Coulmiers. Detaille et de Neuville font, je crois, chacun un panorama particulier et, en collaboration, un panorama de la journée de Saint-Privat13. Ils partent ces jours-ci pour Metz.
Pour Marseille, on prépare un panorama de Gravelotte. Pour Pétersbourg, deux panoramas : la Prise de Plevna et la Passe de Chipka. Pour Anvers, un panorama qui sera un paysage ; Pour Vienne, une Bataille de Custozza, par le peintre belge Wouters.
En Amérique, on montrera, dans un cirque ambulant, un panorama d’un épisode de la guerre de sécession. MM. Dupraz et Berne-Bellecour14 achèvent des panoramas pour l’Italie, la Bataille de Lissa, et M. Lucien Sergent15 et M. Washington16 un panorama pour Madrid ; la Prise de Tétuan.
Un peintre militaire plein de talent et qui a souvent collaboré anonymement aux succès des autres, M. Raoul Arus17, peint pour l’Angleterre la Défense du drapeau britannique contre les zoulous, et son panorama sera hors de pair. Oh ! ce n’est pas tout ! On a eu l’excellente idée de montrer Pompéi en panorama, et c’est là surtout, dans le spectacle de ces ruines immobiles, que l’illusion serait étonnante.
Bref, Paris aura sept ou huit panoramas avant un an, panorama aux Champs-Élysées, panorama au Château d’Eau, panorama à Belleville, panorama à Montmartre, panorama au jardin des Tuileries, partout, toujours, ici, là, à droite, à gauche, des panoramas encore et des panoramas sur des panoramas !
L’exposition du Cercle des arts libéraux
Et cette panoramanie n’empêchera point la fièvre picturale d’augmenter. Expositions partout. Le Cercle des arts libéraux18, rue Vivienne, en a ouvert une, avant-hier, qui est intéressante. Un Salon en raccourci et un Salon choisi. M. Cazin19, un des triomphateurs de l’exposition de cette année, y figure avec deux paysages bibliques d’un sentiment pénétrant. M. Roybet20 y a deux toiles vigoureuses, un Lecteur de musique et une Partie de lansquenet. Trois ou quatre toiles de M. J.-F. Raffaelli21 sont très regardées et à juste titre. M. Gervex22 expose une vivante étude de femme rousse et deux portraits pleins de relief, entre autres celui de M. Busnach, debout, le chapeau sur la tête23. Un beau fusain de Feyen-Perrin24, le Retour de la pêche, d’excellentes toiles de Berné-Bellecour25, avec deux portraits fins et bien modelés, celui de M. V. Joncières et celui de M. R. Mitchell, un Intérieur de Bonvin26, des panneaux fort décoratifs de Clairin, des fantaisies et des éventails très colorés de Mlle Abbema27, de jolis coins de Paris de Jean Béraud28 et des études attirantes de Barillot29 complètent une exhibition des plus intéressantes. — J’oublie bien d’autres morceaux de choix et que j’aurais dû signaler tout de suite, ne fût-ce que le paysage, l’admirable femme couchée nue sur fond rouge et les études d’Henner (des chefs-d’œuvre), et les Vendanges de Puvis de Chavannes.
En fait de sculpture, ce qui frappe par-dessus tout est une bizarrerie de M. Ringel, l’auteur du fantastique Tsigane30 du Salon ; — une tête de Mlle Sarah Bernhardt, les yeux creux, la joue hâve, effrayante comme un cadavre31. Cette originalité n’a rien de séduisant, et M. Ringel a calomnié son modèle qui l’avait, d’ailleurs, l’an passé, étant salonnière, fort durement étrillé dans le Globe ; c’est un prêté pour un rendu.
Le monument de la Défense de Paris
J’ai voulu, en sortant de cette exposition, voir le Monument de la défense de Paris exposé au quai Malaquais32. M. Ernest Barrias33, l’auteur du Spartacus34, a remporté définitivement le prix. Il n’y avait pas d’hésitation possible. Son groupe est de beaucoup supérieur à ceux de ses concurrents. Il y a un vrai talent dans l’œuvre de M. Mathurin Moreau (2e prix), et une inspiration virile dans celle de M. Lequien ; mais les figures de M. Barrias ont une bien autre énergie et une poésie plus intense. Poésie vivante, car les types sont très parisiens et très modernes. La ville de Paris, personnifiée par une jeune femme vêtue de cette capote de garde national qui restera aussi célèbre que la fameuse criméenne des soldats de 1855, se tient debout, l’épée à la main, agitant encore le drapeau déchiqueté de la patrie. À ses pieds, blessé, gît un enfant de Paris maigre et énergique, un garde national35 qui charge encore d’une dernière cartouche son fusil à tabatière, tandis que, derrière, accotée contre une pierre tombale, une pauvre fillette famélique grelotte de faim et de fièvre auprès d’un canon égueulé par un éclat d’obus. Il y a une rare énergie dans l’attitude résolue de la belle fille qui porte au front la couronne murale de Paris. Le froncement de ses sourcils, le pli terrible de sa bouche sont admirablement rendus ; mais ce qui est plus saisissant encore c’est le blessé dont le pied, enveloppé de linges, pend en dehors du groupe et donne à l’œuvre un caractère profond de vérité. Le style ici se fait vivant, l’allégorie disparaît. Ce sont des Parisiens qui sont là !
Dans la maquette de son œuvre, c’était un marin râlant, sa hache d’abordage à la main, un marin du Bourget, gabier de navire devenu gabier de Paris, que M. Ernest Barrias avait représenté. Il a changé son matelot en garde national. Le Bourget fait place à Buzenval36. J’aurais voulu pourtant que ces braves fantassins de marine, l’âme de la défense, ne fussent pas oubliés.
Le groupe actuel a 1 mèt. 60 de hauteur ; à l’exécution définitive, lorsqu’on l’érigera au rond-point de Courbevoie, il aura, je crois, 4 mèt. 50. Ce sera et c’est une belle œuvre, digne du souvenir douloureux et fier qu’elle évoque. M. Ernest Brelay, le beau-père37 du sculpteur, et qui fut un des maires de la défense de Paris, propose à son gendre d’inscrire sur le piédestal ces quatre vers exprimant bien la pensée qui a présidé à l’œuvre d’art :
La faim, le froid, le deuil frappant à chaque porte,
Le feu de l’ennemi, Paris a tout bravé,
Et quand l’espérance fut morte,
L’honneur du moins était sauvé.
Aimé Morot
À l’heure où l’on allait, à l’École des beaux-arts, regarder le groupe de M. Barrias, le jury décernait, pour la peinture, la médaille d’honneur à M. Aimé Morot38. Dès le premier moment, le public avait hésité entre M. Morot et M. Cormon39, entre Caïn et le Bon Samaritain. Les qualités d’exécution de ces deux, dernières figures ont décidé du vote. Il y a longtemps que M. Morot est de ceux dont on attend beaucoup. On peut suivre ses progrès, année par année, dans l’excellent livre que publie, chez Quantin, un critique distingué, M. Victor Champier, l’Année artistique, dont la collection40 deviendra fort précieuse. Pour moi, je me rappelle qu’il y a dix ans, on m’apporta un tableau d’une vigueur singulière, très dramatique, bien enlevé, représentant la Mort de Baudin sur la barricade41.
— C’est presque un enfant qui a fait cela. Un garçon de quinze ans !
L’œuvre était déjà pleine de qualités. M. Aimé Morot peignait, en même temps, un Victor Noir sortant, la poitrine trouée, de la maison d’Auteuil42. La figure — ce jeune homme à genoux, en redingote et en gants — était dramatiquement traitée, mais il y avait trop de sang. Du rouge partout, c’était un peu hideux. Qu’est devenue cette toile43 ?
Depuis, j’avais vu de M. Morot des fusains, des dessins, des projets d’une imagination remarquable : chrétiens livrés aux bêtes ; combats de belluaires44, idylles virgiliennes que je n’ai pas oubliés et qui ont été perdus. Puis, un beau jour, M, Morot obtint le prix de Rome avec les Juifs captifs à Babylone, composition pleine de talent, avec des colorations à la Regnault45. Il partit. On se disait : — Pourvu que Rome ne le gâte pas !
L’an passé, sa Bataille des Eaux Sextiennes46 avait prouvé sa science de composition. Cette année ; le Samaritain lui vaut la grande médaille. L’enfant de 1870 a tenu ce qu’il promettait.
Galatée chez Juliette Adam
Hier, le dernier mercredi de Mme Edmond Adam était particulièrement brillant et, à côté de l’attrait mondain, offrait un intérêt tout artistique : Mounet-Sully y lisait une Galatée d’un poète grec contemporain, Basiliadis47, mort à vingt-trois ans, et dont Juliette Lambert, la maîtresse de la maison, a interprété plus encore qu’adapté : une traduction faite par le baron Constant d’Estournelles. Ce drame grec devait être représenté sur le théâtre des Nations48, aux Matinées Internationales49 de Mlle Marie Dumas50, lorsque le suicide de ce pauvre et honnête Gustave Bertrand51 coupa brutalement court à bien des rêves littéraires. Une autre pièce, chinoise celle-là, que Mlle Barretta52 et Mme Pasca interprètent, ce soir, chez Mme de Poilly, le Ramier blanc, de Mme Judith Gautier, devait être représentée aussi dans une Matinée Internationale. Le tapis du salon a remplacé les planches de la scène.
La Galatée, que l’auteur de Grecque53 a si éloquemment faite française, a été fort goûtée hier par le public d’élite réuni par Mme Edmond Adam. Tous les critiques étaient à leur poste dans les salons du boulevard Poissonnière, comme dans une première de choix ; Mounet-Sully a fort bien lu. On a applaudi l’auteur et l’interprète. Il y a, en effet, un rare sentiment dramatique dans cette Galatée. Pygmalion, roi de Chypre, rêve de voir s’animer et vivre l’œuvre de ses mains. On ne tente point les dieux ; faite de marbre, Galatée ne peut avoir dans les veines le sang d’une créature née des amours d’un homme et d’une femme. À peine est-elle née à la vie qu’elle arme contre Pygmalion le frère du roi, Rennos, à qui elle conseille de ceindre l’écharpe royale s’il veut être aimé de Galatée. Je crois bien que, dans une précédente version, Rennos tuait, en effet, son frère et immolait ensuite Galatée qui l’avait rendu fratricide. Hier, Rennos et Pygmalion vivent ; Galatée seule est frappée par le glaive de Rennos, et lorsque le jeune homme se désole d’être un meurtrier : « — Non, lui répond le grand prêtre, ce n’est pas une femme morte qui gît à tes pieds, ce n’est qu’une statue brisée ! »
Il y a, dans ce drame d’une concision farouche, une fort belle scène entre les deux frères, Rennos demandant à Pygmalion la couronne de Chypre, n’osant lui réclamer l’amour de Galatée, et Pygmalion abdiquant sa royauté pour conserver l’amour de son frère. Mounet-Sully a fort bien lu ces quatre actes qui ressemblent à une pièce du Théâtre de Clara Gazul54, devenue tragédie, tout en gardant quelque chose de la férocité romantique. Juliette Lambert a montré là, avec une rare vigueur de style, une puissance dramatique tout à fait remarquable. Point de déclamations, d’amplifications. Un drame qui va droit au fait et emplit l’auditeur d’une pitié terrifiée. Le génie grec moderne a produit là une œuvre forte, et il faut remercier Mme Edmond Adam de nous avoir fourni l’occasion d’applaudir ce Basiliadis, aimé des dieux, puisqu’il est mort si jeune, et l’auteur de Grecque et de Laide, qui a si bien glorifié sa mémoire.
Notes
1 En tant que matériau, la barbotine est de l’argile diluée dans de l’eau. Le produit obtenu, coloré ou non est destiné à décorer une poterie. La poterie ainsi décorée prend alors à son tour le nom de barbotine. La barbotine en tant que matériau est aussi employée pour assembler deux parties de pâte comme une anse sur un vase.
2 Cet imposant palais vient d’ouvrir après 25 ans de travaux. Il occupe l’entièreté d’un pâté de maisons. Sur l’avenue Maurice Lemonnier il s’étend sur quarante numéros et quarante autres sur l’avenue de Stalingrad. Il a été plusieurs fois rénové en un siècle mais en 2016 le creusement d’une ligne de métro l’a fortement endommagé.
3 Peut-être Alphonse de Neuville (1835-1885), ce qui est surprenant pour un peintre français.
4 Peut-être Édouard Detaille. Même remarque.
5 Félix Philippoteaux (1815-1884), peintre historique et de panoramas. Son fils Paul (1846-1943) prendra la relève dans la discipline. Ce panorama date de l’immédiat après-guerre et a eu pour titre (et sujet) Le Siège du fort d’Issy avant de prendre le titre définitif de La Défense de Paris. En 1872 paraîtra chez Paul Dupont une Explication [de ce panorama] « précédée d’une notice historique avec une carte du département de la Seine » (seize pages). Cette brochure, distribuée aux spectateurs comme c’en était l’usage a été réimprimée jusqu’en 1882.
6 Ce panorama des Champs-Élysées a été construit en 1860 par l’architecte Gabriel Davioud (1824-1881). Ce bâtiment sera démoli pour laisser place à un autre panorama qui sera construit par Charles Garnier à l’emplacement de ce qui est de nos jours le théâtre Marigny.
7 Cæcilia Metella est une personnalité romaine ayant vécu au premier siècle avant notre ère. Son tombeau, cylindrique, de trente mètres de diamètre pour dix mètres de haut, est encore visible de nos jours sur la via Appia.
8 Le peinturlorama n’existe malheureusement pas ailleurs que sous la plume féconde de Jules Claretie et reste à inventer.
9 Théophile Poilpot (1848-1915) a peint une vingtaine de panoramas. Sa réputation était telle que l’on parlait de Poilporamas.
10 Cet immense café construit en 1856 avait pour nom « Café parisien », le plus grand du monde, disait-on alors. Il se trouvait à l’angle de la rue de Bondy (actuelle rue René Boulanger) et de la rue du Château d’eau (ou du boulevard Magenta, si l’on veut). Une publicité de l’époque le crédite de 24 billards, au rez-de-chaussée (et non au sous-sol comme c’était le plus souvent le cas). Cet immense café avait forcément plusieurs entrées, dont au 26 rue de Bondy, au 5 rue du Château d’eau et au 26 boulevard Saint-Martin, ce que l’on peine à comprendre. À cet emplacement se trouve de nos jours la bourse du travail, dont l’entrée est au numéro trois de la rue du Château d’eau.
11 Julien Le Blant (1851-1936), peintre de scènes militaires injustement oublié frappe par la forte expression de ses personnages.

Julien Le Blant, La Marchande de chechias, gare de l’Est
12 Le Bataillon carré, affaire de Fougères 1793, huile sur toile exposée au Salon de 1880. Cette toile d’un mètre cinquante sur deux mètres trente recevra une médaille d’or lors de l’exposition universelle de 1889. Elle est de nos jours aux USA, propriété de la bibliothèque de l’université de Provo, Utah.
13 Cette fête de la Saint-Privat se tient tous les ans depuis 1861, et de nos jours encore, à Carmaux le 21 août. Le Privat en question serait Privat de Mende, mort au milieu du IIIe siècle.
14 Si ce malheureux Dupraz ne semble pas avoir laissé de traces à la postérité, Étienne Berne-Bellecour (1838-1910) est davantage connu. Durant la guerre de 1870, Étienne Berne-Bellecour était proche d’Édouard Detaille et Alphonse de Neuville, objet des courtes notes 3 et 4.
15 Lucien Sergent (1849-1904), peintre de scènes militaires.
16 Georges Washington (1827-1901) enfant trouvé et donc sans nom, a choisi pour pseudonyme le nom du président américain. Il est le gendre de Félix Philippoteaux objet de la note 5. Il est surtout connu comme peintre orientaliste.
17 Raoul Arus (1846-1921), peintre de scènes militaires.
18 Le théâtre du Cercle des arts libéraux, 49 rue Vivienne.
19 Jean-Charles Cazin (1841-1901), peintre, conservateur du musée des Beaux-Arts de Tours en 1868.
20 Ferdinand Roybet (1840-1920), peintre et graveur. On peut visiter le musée Roybet-Fould ouvert à Courbevoie en 1951.
21 Pour Jean-Marius Raffaëlli, voir la note 40 de La Vie à Paris du six avril 1880.
22 Vraisemblablement Henri Gervex (1852-1929), surtout connu pour Rolla, d’après le poème d’Alfred de Musset, peinture exclue du salon de 1878. Comme Le Déjeuner sur l’herbe quinze ans auparavant, cette peinture représente une femme nue contemplée par un homme habillé. La note six de La Vie à Paris du premier mai 1880, présente Souvenir de la nuit du 4, exposé au salon de 1880. La femme rousse évoquée par Jules Claretie est peut-être Le Miroir, de 1880, récemment acquis par le musée des Beaux-Arts de Bordeaux.

Henri Gervex, Le Miroir
23 Jules Claretie précise la pose afin d’éliminer le petit portrait (22 x 32 cm, un pastel) de cette même année 1880 du même William Busnach (auteur dramatique français 1832-1907), assis dans un fauteuil.
24 Augustin Feyen-Perrin (1826-1888).

Retour de la pêche aux huitres par les grandes marées, à Cancale. Une huile sur toile très colorée et reserrée sur quatre personnages principaux, du même auteur et dans le même esprit est visible au musée de Tessé, au Mans.
25 Étienne Berne-Bellecour (1838-1910), photographe et peintre. Pendant la guerre, lui aussi s’est engagé dans le corps-franc des tirailleurs de la Seine, ce qui l’a fait côtoyer Édouard Detaille et Alphonse de Neuville.
26 François Bonvin (1817-1887), peintre.
27 Louise Abbéma (1853-1927), peintre, graveuse et sculptrice reconnue, compagne de Sarah Bernhardt.
28 Jean Béraud (1849-1935), peintre de la vie parisienne.

Jean Beraud, Parisienne place de la Concorde, vers 1885, Musée Carnavalet.
29 Léon Barillot (1844-1929) graveur et peintre animalier.
30 Jean-Désiré Ringel (1847-1916), sculpteur et médailleur, dessinateur et graveur. Comme sculpteur, Jean-Désiré Ringel s’est beaucoup intéressé aux matériaux. Le Tsigane en question est peut-être la sculpture en plâtre patiné polychrome d’un mètre de haut intitulée Marche de Rakoczy, de 1879, visible au Musée Hôtel Bertrand de Châteauroux.
31 Deux bustes de Sarah Bernhardt par Jean-Désiré Ringel sont parvenues jusqu’à nous. Celle évoquée par Jules Claretie a pour titre IXe symphonie (allez savoir pourquoi) et est conservée depuis 1963 au Musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg qui la date par erreur de 1895.

L’autre buste est conservé dans le même musée qui le date de la même année. Si le premier buste, sans être d’une grande beauté, présente une certaine originalité et une vague ressemblance, le second n’est pas d’une grande qualité..
32 Ce quai Malaquais sera, au début du siècle, entre le quai Conti et le quai Voltaire, un des nombreux lieux emblématiques de la littérature française, avec, d’amont en aval, l’Académie française et la librairie Champion. Ont habité quai Malaquais : Montesquieu, Georges Sand, Anatole France et Patrick Modiano. Au numéro treize du quai Malaquais se trouve aussi l’école des Beaux-Arts où se trouvaient exposées les œuvres des trois finalistes, Louis-Ernest Barrias, Justin Lequien et Mathurin Moreau. Il s’agissait vraisemblablement d’esquisses en plâtre.
33 Louis-Ernest Barrias (1841-1905), prix de Rome en 1865. De nombreux sculpteurs avaient concouru pour remporter la commande de cette statue, dont Auguste Bartholdi, Alexandre Falguière ou Auguste Rodin.
34 Le Serment de Spartacus est un marbre de 1871 (deux mètres dix) exposé en permanence dans le jardin des Tuileries depuis 1878.

Ci-dessous, le cartel.

35 Louis-Ernest Barrias a donné à ce soldat les traits d’Henri Regnault (note 45), mort à Buzenval en janvier 1871.
36 Il y a eu deux batailles de Buzenval au cours de cette courte guerre. La première en octobre, la seconde en janvier.
37 Louis-Ernest Barrias (1841-1905) a épousé en 1873 Lucie Brelais (1853-1923), fille d’Ernest Brelais.
38 Aimé Morot (1850-1913), peintre et sculpteur, prix de Rome de peinture en 1873.
39 Fernand Cormon (Ferdinand Piestre, 1845-1924) a pris le pseudonyme de son père, Pierre-Étienne Piestre (1810-1903), auteur dramatique. Professeur à l’école des Beaux-Arts, Fernand Cormon a ouvert en 1883 l’atelier du 104 boulevard de Clichy, très connu sous le nom d’Atelier Cormon.
40 On peut être surpris du mot collection concernant un livre. Il s’agit en fait d’une publication annuelle de 600 à 700 pages.
41 Le lendemain du coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte, Alphonse Baudin, représentant (député) est mort sur une barricade en tentant de soulever le peuple. L’événement, très symbolique, a souvent été représenté.
42 Victor Noir (Yvan Salmon, 1848-1870), journaliste tué à l’âge de 21 ans et six mois par six coups de revolver par le prince Pierre-Napoléon Bonaparte, cousin germain de Napoléon III. La raison du meurtre est politique, suite à une animosité extrême. Plusieurs historiens voient dans cette affaire les prémices de la fin du second empire. Jules Claretie évoque une « maison d’Auteuil ». Il s’agit de la rue d’Auteuil, à Paris. Le sculpteur Jules Dalou a créé, pour la sépulture de Victor Noir, un gisant en bronze le représentant à sa mort. Le réalisme de cette représentation a entraîné quelques esprits en déshérence à lui attribuer des pouvoirs.
43 Aucun musée ne semble disposer de cette peinture, peut-être en main privée ou perdue.
44 Dans la Rome antique, le belluaire était chargé de s’occuper des animaux du cirque… ou de les combattre. Il ne semble pas que les belluaires aient été destinés à se combattre.
45 Henri Regnault (1843-1871), mort à Buzenval à 28 ans d’une balle dans la tête. Louis-Ernest Barrias a choisi de donner au soldat de sa Défense de Paris le visage d’Henri Regnault.

La Défense de Paris, détail
46 La bataille d’Aix (-en-Provence) a eu lieu en 102 avant notre ère, opposant Rome aux Teutons.
47 Spyrídon Basiliadis ou, de nos jours Vasileiádis (1845-1874). Galatée, drame grec en cinq actes, en prose, avec une introduction et des notes par Paul Balluet d’Estournelles de Constant, 1878. Dans son Rapport sur les concours de l’année 1878, Camille Doucet, secrétaire perpétuel de l’Académie française a écrit : « Un pareil témoignage de sympathie et d’encouragement est accordé par [l’Académie française] à M. le baron d’Estournelles de Constant, pour sa traduction du drame de Galatée, qu’un jeune poète grec, mort récemment avant l’âge, mais non avant la célébrité, M. Basiliadis, faisait, il y a peu d’années, représenter et applaudir, à la clarté du gaz, sur le premier, sur le seul théâtre d’Athènes. Paul Balluet d’Estournelles de Constant, diplomate, a reçu le prix Nobel de la Paix en 1909.
48 Au milieu du XIXe siècle, à l’occasion des travaux d’Haussmann sous le second empire, ont été édifiés place du Châtelet deux théâtres se faisant face, construits par le même architecte, Gabriel Davioud (1824-1881), déjà évoqué ici note 6. Le premier a été le théâtre du Châtelet, entre 1856 et 1862. Ce premier théâtre n’était pas encore terminé qu’a été entreprise, en 1860, la construction d’un second théâtre lui faisant face, d’une jauge bien plus faible mais offrant le même aspect extérieur. En 1871, moins de dix ans après son ouverture, ce second théâtre a été incendié à l’occasion des manifestations de la Commune, puis reconstruit en 1874, donc sous la Troisième République. L’instabilité de cette République balbutiante a conduit à lui octroyer presque chaque année une appellation nouvelle jusqu’à « Théâtre des Nations » en 1879, avant que Sarah Bernhardt l’achète à la ville de Paris en en 1898.
49 Ces « Matinées Internationales » organisées par la comédienne Marie Dumas sont peut-être dans la même veine — et à la même époque — que les Matinées d’Hilarion Ballande. Ces matinées internationales ont été organisées à partir de la rentrée de 1877, d’abord au théâtre de la Gaîté puis au théâtre des Nations, donnant des pièces étrangères, d’Aristophane, de Shakespeare, de Lope de Vega, et même un drame japonais (Albert Mousset dans Le Monde du 23 mai 1958).
50 Marie Dumas, comédienne née en 1846, donnera ses adieux en 1890.
51 L’article du Monde cité ci-dessus indique : « Marie Dumas se lia d’amitié avec un fort estimable érudit dont elle devait, bien involontairement, causer la perte. C’était un ancien élève de l’École des chartes, Jean-Edmond, dit Gustave Bertrand. Il appartenait à la promotion de 1856 et avait obtenu son diplôme d’archiviste-paléographe avec une thèse sur l’Histoire de l’orgue dans l’Antiquité et au Moyen-Âge. […] À sa formation d’archéologue et de musicographe, il joignit une érudition d’helléniste ; sans doute est-ce à ce titre qu’il fut associé à l’organisation des « Matinées caractéristiques » et entra en relations avec Marie Dumas qui en fit un directeur de théâtre. Au mois de mars 1879 il a pris la succession de l’acteur Eugène Castellano à la tête du Théâtre historique, qu’il rebaptise sous le nom de Théâtre des Nations. Il a fait jouer le Camille Desmoulins d’Émile Moreau, où Marie Dumas tenait le rôle d’Olympe de Gouges ; Les Mirabeau de Jules Claretie et divers autres drames. » Jules Claretie, Les Mirabeau, drame en cinq actes et sept tableaux créé au théâtre des Nations le 31 octobre 1879.
52 Blanche Barretta (1855-1939), a été admise au Conservatoire en 1868, à l’âge de treize ans, peut-être sur la recommandation de Sarah Bernhardt. Elle a commencé au théâtre de l’Odéon en 1872 et remporta un certain succès dans L’École des femmes. En 1875 elle entre à la Comédie-Française avant d’être élue sociétaire l’année suivante. En 1885 elle épousera le comédien Gustave Worms.
53 Paul Balluet d’Estournelles de Constant (1852-1924), Helléniste.
54 Clara Gazul est un des pseudonymes, ainsi que personnage de légende créé par Prosper Mérimée (1803-1870). Clara Gazul, comédienne espagnole, aurait écrit en espagnol six pièces de théâtre, traduites par Joseph Lestrange (autre pseudonyme de Prosper Mérimée). Ces six pièces ont été publiées en 1825, Prosper Mérimée ayant 22 ans, par un jeune Auguste Sautelet de 25 ans (1800-suicidé en 1930), éditeur des romantiques, place de la Bourse. Deux ans plus tard (1927) paraîtra une édition chez Honoré Champion de 544 pages.
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